Une fin de validité avancée alors qu'elle n'en a pas été informée. Francine Chaffard, une Varoise de 81 ans a perdu toutes ses économies après les avoir "placées" dans des bons du Trésor, car l'Etat refuse de la rembourser.
72 bons du Tésor d'une valeur de 89 944,92 euros, qui ne valent plus rien depuis quelques années selon l'administration, comme le rapporte Le Parisien.
Une affaire tellement unique que la Défenseure des droits, Claire Hédon en tenu à rendre publique ce lundi 15 novembre.
Une épargne garantie par l'Etat
Tout commence en 1996. Francine et son mari - décédé aujourd'hui - décident d'acheter des bons du Trésor valables 30 ans, soit jusqu'en 2026.
À l’époque, le couple s'est dit que cette épargne pour leur retraite était fiable car garantie par l'Etat. Les valeurs du Trésor sont des titres émis par l'État pour financer sa dette.
Ces titres d'emprunts permettent à l'Etat de se faire prêter de l'argent et en échange il verse des intérêts.
Des retraits à la trésorerie de Toulon
Pendant des années, Francine ne va pas toucher à cette somme. Mais en 2009, elle va effectuer un premier retrait, en 2011, deux autres, pour des sommes modiques. À chaque fois, elle se rend à la trésorerie de Toulon dans le Var et les retraits sont acceptés, sans plus.
Mais lors du dernier retrait en septembre 2017, on l'informe que ce n'est pas possible, les bons ne sont plus valides, ils sont expirés.
Une expiration avancée
Car entre-temps, la loi du 17 juin 2008 modifie la validité des bons. Le délai de trente ans passe à cinq ans. Comme le délai repart de la promulgation de la loi, les bons de Francine sont donc valables jusqu'en 2018, mais plus jusqu'en 2026.
Or elle ignore ce changement. Et lorsqu'elle se rend à la Trésorerie de Toulon et qu'on lui déclare que c'est trop tard elle ne peut rien faire.
Elle a donc perdu près de 90 000 euros sans le savoir. Elle tente de faire des réclamations, en vain.
Le Défenseur des droits saisi
C'est pourquoi sa fille décide de contacter le Défenseur des droits présidé par Claire Hedon.
Et cette dernière ne va pas lâcher l'affaire.
Dans ce dossier, le fait que lors des précédents retraits, Francine n'est pas informée des nouvelles dispositions concernant ses bons pose souci.
Et c'est sur quoi va se baser la défense de ce cas.
Mais la Défenseure des droits va se heurter à de nombreux refus, tant de la Direction générale des finances que du ministère de l'Economie.
Le remboursement est purement et simplement refusé malgré les arguments de Claire Hédon
"Les bons n’étaient ainsi plus valables depuis le 19 juin 2013, sans qu’elle en ait été informée alors qu’une circulaire ministérielle adressée aux trésoreries donnait clairement pour consigne "d'informer les porteurs de votre ressort de cette mesure législative et de ses effets ""
Les arguments de la Défenseure des droits
Pour la Défenseure des droits, l'Etat a manqué à son devoir d'information sur le changement des délais de prescription qu'il s'était lui-même obligé à honorer, que de lourds préjudices d’ordre matériel et moral pèsent sur la réclamante qui se voit privée de près de 90 000€, économies de toute une vie et que la demande de règlement en équité soit restée sans réponse motivée.
Elle va donc prendre une décision rarissime et radicale : rendre l'affaire publique.
Elle va pour cela, publier un rapport spécial sur l'affaire ce lundi 15 novembre, en précisant que "c'est en raison des fautes commises par la Trésorerie de Toulon que la réclamante n'a pas été en mesure d'agir dans les délais légaux" et que le remboursement ne "crée aucun précédent et ne lie pas l'administration pour d'autres cas, même apparemment identiques."
Le dossier va être "réexaminé"
Et alors que jusqu'ici il n'y avait que des fins de non-recevoir, la tactique de médiatiser le dossier semble avoir fonctionnée.
Bruno Le Maire, le ministre de l'Économie qui était invité ce lundi 15 novembre sur LCI, a dû répondre sur le sujet.
Il s'est dit "très touché" et il a promis de "réexaminer" le dossier.
"Si elle n'a pas été avertie, il faut bien effectivement réexaminer le sujet", a-t-il confié.
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