Self-défense au supermarché
Chère lectrice, cher lecteur,
Les personnes qui n’ont plus mangé de biscuits Prince depuis les années 1980 seront tout étonnées de la texture des Princes nouvelle génération : ils s’émiettent, ne nourrissent pas, ressemblent à du polystyrène expansé et sont beaucoup plus sucrés.
De fait, les Princes actuels sont beaucoup plus légers qu’avant, et les ingrédients ne sont plus les mêmes : avant l’été 2008, le célèbre paquet de Prince LU pesait 330 g. À la rentrée, suivante, il ne pesait plus que 300 g, mais coûtait toujours le même prix. [3]
Le chocolat qui, jadis, touchait les bords, ne forme plus qu’un petit rond à l’intérieur à peine plus grand qu’une pièce de 2 euros.
Sur le paquet, il n’est d’ailleurs plus écrit « Prince au chocolat »… mais au « goût chocolat ».
C’est comme les pizzas de supermarché qui étaient autrefois faites avec du fromage et qui sont maintenant recouvertes de « préparation fromagère ». On imagine la « mama » avec toutes les éprouvettes dans la cuisine.
Cherchez partout sur l’emballage, il n’est plus nulle part indiqué « yaourt » sur les Paniers de Yoplait. Il est vrai que ce qu’il y a dedans n’a plus rien à voir avec du yaourt, et ne mérite que l’appellation de : « spécialité laitière à l’arôme artificiel de fruit », écrite en caractère minuscule :
Sur les forums, les consommateurs s’accordent à dire qu’un des produits qui s’est le plus dégradé, en dehors des Princes, est la Danette. [4]
Il y a les Mars aussi : la nouvelle recette de Mars appelée Cœur fondant, introduite en 2007 soi-disant « afin de s’adapter aux nouvelles demandes des consommateurs » [5], a perdu 16 % de son poids, mais est restée au même prix.
Jouer avec la taille
Danone a imaginé une stratégie assez rusée pour ses crèmes dessert :
Vendus par quatre, les pots de crème vanille ou chocolat pèsent 125 g. Vendus par douze ou par seize, ils ne pèsent plus que 115 g. « Réduire les portions, c’est réduire l’impact en termes de calories », explique Danone.
Autrement dit : « On vous arnaque… mais c’est pour votre bien ! Cela vous évite de trop manger de nos produits qui sont mauvais pour votre santé. »
Le pot de Jockey de 1 kg ne pèse plus que 850 g, les 4 petits pots de 100 g ne pèsent plus que 90 g.
Les nouvelles crèmes Mont-Blanc soi-disant avec « encore plus de saveur » sont devenues immangeables. Ne reste que du sucre, du colorant et de la farine pour épaissir.
Poisson pané : où est le poisson ??
Quand j’étais petit, ma maman me faisait parfois du poisson pané (avec les yeux dans le coin). Je me rappelle très nettement que, lorsque je « l’ouvrais », je voyais des sortes de lamelles comme dans du vrai poisson. Ce n’est plus le cas aujourd’hui où seules des raclures de poisson sont agglomérées pour faire ce genre d’aliment.
Les « croquettes » de poisson de mon enfance, qui étaient rectangulaires, ont en outre été remplacées par le format « bâtonnet » permettant de mettre proportionnellement beaucoup plus de panure… et moins de poisson.
Autres « astuces » de l’industrie agro-alimentaire
Les barres de céréales style Grany ont considérablement « maigri ». Elles flottent dans leur emballage qui, lui, est resté identique.
Ce n’est pas parce qu’un fromage a une forme de fromage de chèvre (cylindre, pyramide…) qu’il est fait avec du lait de chèvre ! Beaucoup de fromages de chèvre sont en fait fabriqués à partir de lait de vache aromatisé au chèvre.
Pour la plupart des marques, l’eau minérale est passée de 1,5 l à 1,25 l, l’eau Saint-Amand est passée à 1 l, la Badoit à 0,75 l.
Le sucre en poudre, qui s’était toujours vendu au kilo, est aujourd’hui conditionné dans des sachets en plastique aux couleurs chatoyantes. C’est bien plus pratique pour verser le sucre, il y a un bouchon… mais il n’y a plus que 750 g de sucre dedans.
Il n’y a plus que 16 dosettes de café au lieu de 18 dans les paquets L’Or intense de Carte Noire… mais l’apparence du paquet et le prix sont restés les mêmes.
Nestlé et les consommateurs dyslexiques
Vous connaissez la dyslexie, un problème qui se répand dans la population où les gens confondent et échangent des lettres.
Il faut croire qu’un as du marketing de Nestlé a eu l’idée d’exploiter cette faille.
La tablette Nestlé Noir Dessert, qui existait depuis 1971, est passée brutalement en 2013 de 250 g à 205 g, un véritable « trompe-l’œil ». Mais l’avantage pour Nestlé est double : économiser sur le chocolat, et surtout vous obliger à en acheter deux puisque les recettes traditionnelles sont faites pour 250 g de chocolat ! Génial, tout simplement.
Le chocolatier Côte d’Or n’a pas fait mal non plus. Les plaquettes de chocolat Noir Orange 70 % de cacao ont subi une discrète modification en 2014 : l’image (avec l’orange) était toujours la même. Mais le « 70 % » avait disparu. Il faut pratiquement une loupe pour s’apercevoir, dans la liste des ingrédients, qu’il n’y a plus que 56 % de cacao.
Les emballages : des économies qui coûtent cher à l’environnement
Sous prétexte de « garder la fraîcheur » de vos biscuits, la plupart sont désormais rangés par deux sous film plastique.
Sachant que ces sachets sont eux-mêmes dans une barquette en plastique, elle-même dans une boîte en carton, elle-même emballée dans un film plastique… vous remplissez votre poubelle pour huit malheureux biscuits, tandis qu’on vous serine sur Arte qu’il faut « lutter contre le gaspillage » pour protéger la planète.
Les pots de rillettes Bordeaux Chesnel sont, avec leur fond plusieurs étages, leur double fond, leur couvercle multidimensionnel et leur épaisse couche de gras blanc (saindoux), des chefs-d’œuvre d’illusionnisme. Vous achetez un pot qui, extérieurement, semble toujours avoir la même taille. Mais la quantité de rillettes a fondu.
Un lecteur repenti « balance »
Un lecteur repenti de Santé Nature Innovation m’a écrit le message suivant :
« J’ai assumé des responsabilités au niveau direction générale d’une grande marque de produits pour la maison et ces pratiques sont courantes.
Exemple, un produit pour laver la vaisselle à la main se compose essentiellement d’eau, d’un agent nettoyant à base de détergent ou de teepol (le produit actif, qui est le plus cher dans la formule), d’un colorant et d’un parfum associé (le colorant jaune sera associé au citron par exemple, le vert à une senteur pin…).
Pour lancer un nouveau produit, le fabricant va doser largement l’agent qui lave et dégraisse vraiment. Les consommateurs vont trouver génial ce produit qui dégraisse bien. Une fois fidélisé, le fabricant économise sur la formule en diminuant progressivement le détergent.
Les plus vicieux vont jusqu’à introduire un agent moussant qui ne coûte quasiment rien, mais donne à la ménagère l’impression que son produit "marche" toujours !
Autre truc : autrefois, les flacons ménagers étaient ronds et contenaient un litre. On les aplatit et réduit à 75 cl. Il y a plus de place sur l’étiquette visible (le facing) pour vanter la qualité du nouveau produit ! Plus efficace encore, le flacon de forme "goutte d’eau" qui donne l’impression visuelle qu’il y a plus de produit dedans, à cause de l’effet loupe.Signalons enfin les paquets de mouchoir carrés, qu’on nous a vendus en nous expliquant que le nouveau format "entrait mieux dans la poche".Moins encombrant, certes, mais avec 9 mouchoirs au lieu de 12 auparavant, et une taille plus petite qui oblige à les jeter plus vite. »
Ce que j’ai dit pour l’alimentation est donc vrai aussi pour les produits ménagers.
Self-défense
Ma technique de self-défense au supermarché est donc simple : n’achetez que des produits non transformés, qui sont les plus proches possible de leur forme d’origine.
Vous ferez vous-même les mélanges, préparations, cuissons qu’il faut, et vous saurez ce qu’il y a dedans.
Le prix de beaucoup de produits semble être resté stable. Mais la qualité s’est effondrée pour la plupart des objets qui nous entourent : meubles en aggloméré, tuyauterie en plastique, outils en simili-métal, lampes en tube de fer-blanc, tapis et moquettes synthétiques, et ne parlons pas des survêtements et baskets qui tiennent lieu d’habits à la majorité de la population.
Cela explique pourquoi les autorités ne cessent d’annoncer que « l’inflation est nulle » actuellement, alors qu’en fait, vous constatez au contraire que tout est de plus en plus cher et que, à revenu égal, vous vivez de moins en moins bien.
Quand ils calculent l’évolution des prix, les pouvoirs publics prennent soin de ne pas tenir compte de la qualité.
Ainsi ils considèrent que le prix des voitures est stable, alors que les voitures actuelles qui sont tout en plastique et fabriquées par des robots devraient coûter bien moins cher que celles d’autrefois qui étaient en métal, bois, cuir ou tissu, et qui étaient largement fabriquées à la main.
De même pour vos légumes, il n’est pas logique de dire que leur prix est stable s’ils sont au même prix que ceux de votre maraîcher qui les cultivait lui-même amoureusement à la main il y a trente ans, alors que ceux qu’on achète aujourd’hui sont industriels et donc aqueux, fibreux et insipides.
Bien à vous,
Jean-Marc Dupuis