En arrivant à Aulan (Drôme), on ne voit que lui. Le château du 19e siècle de style médiéval, tout en remparts et guérites, trône en haut de la colline calcaire qui domine les gorges du Toulourenc.
Il est la propriété de la famille d’Aulan, installée ici depuis le 17eme siècle et dont l’histoire se confond avec celle de ce petit village de six habitants. C’est Annie Feuillas, dont l’époux a hérité du bien, qui le gère au jour le jour.
Elle aussi qui gère la commune, puisque cette gracile quadragénaire en est la maire depuis 2008.
«Beaucoup d’Aulan ont été élus ici», glisse-t-elle dans un sourire, égrenant la liste: le marquis d’Aulans, fondateur du château mais aussi maire, député et conseiller général, puis Charles, le grand-père, élu «pendant au moins 50 ans», et Diego, l’oncle, qui a fait deux mandats.
La mairie, comme une charge qu’on se transmet dans la famille.
Une lecture qui dérange Annie Feuillas: «Ca n’a rien à voir avec l’Ancien régime, où le propriétaire du château règne sur tout».
Réinstaller la mairie au village
Car être maire d’Aulan n’a rien d’une sinécure mais tout d’une charge au sens propre, qu’elle assume sans se plaindre et avec lucidité.
«Je suis la seule candidate. C’est un travail lourd, avec beaucoup de suivi de dossiers complexes, mais aussi passionnant», dit cette mère de trois enfants.
Elle ne tient permanence que deux jours par semaine car elle vit à Lyon, à trois heures de route.
Loin, mais beaucoup moins qu’à la période 2005-2009 où elle habitait… Rennes où son époux Jérôme, militaire, était en poste.
«Adaptabilité et polyvalence, c’est le nerf de la guerre des femmes de militaires», sourit-elle.
Si elle a accepté d’être maire, bénévolement, c’est en raison «du fort attachement à ce lieu», où la famille se retrouve à toutes les vacances. «Et dans tous les cas, il faut venir régulièrement s’occuper du château, ça fait une synergie», glisse celle qui subit les hivers rigoureux d’une bâtisse où l’eau courante est coupée pour ne pas faire exploser les canalisations.
Lors de son premier mandat, Annie Feuillas s’est battue pour faire installer l’eau courante dans le village. Et réinstaller la mairie au cœur du village, dans un petite maison d’une quinzaine de m2. Un petit rien qui veut dire beaucoup: «c’est un acte militant, qui assure la distribution du courrier à Aulan, car la mairie reçoit beaucoup de paperasse. Et puis ça permet aux habitants de s’identifier au village, d’avoir envie de s’investir».
La débrouille et le volontariat
Car dans ce village au pied du Mont-Ventoux marqué par la désertification rurale, le budget de fonctionnement est riquiqui par rapport aux besoins (déneigement, entretien des routes, des bâtiments) et beaucoup se fait «au volontariat, à la débrouille».
Le forage d’eau courante est par exemple surveillé à l’année par Laurence, mère de deux enfants du village, dont le foyer représente les deux tiers des habitants de la commune...
Son challenge pour le deuxième mandat?
«Le tout à l’égout». Et puis ses défis de tous les jours, lutter pour «maintenir une activité, la population, le service public».
«Il ne faudrait pas que le village grossisse plus, c’est ce qui fait son charme», la coupe Laurence. La maire estime toutefois avoir «beaucoup de chance d’avoir une bonne couverture téléphonique et Internet» au village.
Et enjoint tous ceux qui ont une maison secondaire à voter à Aulan.
«Il y a plus de sens à voter ici que dans une grande ville car leur vote compte vraiment».
Un argument de bon sens, surtout quand il est question de fiscalité.
Un moyen comme un autre de créer du lien et de faire vivre Aulan.
Un sacerdoce de famille.
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