Quand Aurora est entrée pour la première fois dans une salle de classe, elle avait 12 ans et la leçon portait sur les techniques de défense "contre l'ennemi".
C'était dans un campement de la guérilla des Farc, au milieu de la forêt, en Colombie.
En Colombie, les Farc recrutent de nombreux mineurs.
Ces jeunes ont la forêt pour école.
"A presque 13 ans, on m'a donné ma première arme", raconte à l'AFP cette jeune fille de petite taille, devenue une étudiante de 24 ans au caractère plutôt joyeux, malgré son passé au sein des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc).
Aurora, qui utilise un prénom d'emprunt par sécurité, avait rejoint la rébellion marxiste dans le centre du pays, l'un de ses fiefs, après avoir souffert de problèmes familiaux.
Une fois dans les rangs des Farc, elle apprend rapidement le maniement des armes comme un fusil d'assaut AK-47 et reçoit un enseignement approfondi sur la tactique militaire.
"Ils nous donnaient des cours dans une classe, ils nous apprenaient plein de choses, comme se défendre face à l'ennemi", témoigne Aurora.
Une partie de la jambe gauche arrachée
Sa vie de guérillera a pris fin brutalement à 16 ans, après qu'une bombe lui eut arraché une partie de la jambe gauche durant des combats avec l'armée.
Après des soins par des médecins des Farc, elle décide de s'enfuir avec un compagnon d'armes.
Le cas d'Aurora est loin d'être isolé même s'il n'existe pas de chiffres officiels sur le recrutement global des mineurs dans ce pays en proie à plus d'un demi-siècle de conflit interne.
60% d'entre eux recrutés par les Farc
Selon les services sociaux, plus de 5.000 enfants ont été recueillis après s'être démobilisés d'un groupe armé depuis 1999.
Quelque 60% d'entre eux avaient été recrutés par les Farc, la principale guérilla colombienne, issue d'une insurrection paysanne en 1964 et qui compte encore près de 8.000 combattants selon les autorités.
Quelque 220.000 morts
L'enrôlement des mineurs a précisément constitué l'un des chapitres de pourparlers de paix en cours depuis plus de deux ans et délocalisés à Cuba, dans l'espoir de mettre fin au plus vieux conflit d'Amérique latine, qui a fait officiellement quelque 220.000 morts.
La rébellion s'est engagée en février dernier à ne plus accepter de recrues de moins de 17 ans, une annonce qui a reçu un accueil mitigé en Colombie, beaucoup exigeant qu'elle libère également ceux qui sont encore dans ses rangs.
"On me disait: Il faut aller par là et j'obéissais"
A l'époque, Aurora n'avait pas vraiment conscience de ce qu'elle faisait, se bornant à suivre les autres.
"Quand on s'engage en étant mineur, on ne sait pas vraiment pourquoi. Une fois là-bas, on nous dit qu'on est là pour une cause, mais moi, je n'en avais aucune idée. On me disait: Il faut aller par là et j'obéissais", explique-t-elle.
"Elle me disait regarde comme tu as été mutilée"
Une fois démobilisée, la jeune femme a été prise en charge par une équipe de psychologues puis a bénéficié du programme de réinsertion proposé par une agence de l'Etat qui l'a aidée à financer l'acquisition d'une modeste maison encore en construction dans le sud de Bogota.
Les retrouvailles avec sa mère, choquée par la perte de sa jambe, ont aussi été un moment fort dans sa jeune existence.
"Elle pleurait beaucoup parce qu'elle voyait comment j'avais fini, elle me disait regarde comme tu as été mutilée", confie Aurora.
"Petit à petit, je me suis rendu compte que c'était le rôle de l'armée"
Le souvenir de son dernier combat reste encore vif: elle était en train de lancer des explosifs quand l'armée l'a repérée et neutralisée avec une bombe qui l'a projetée dans les airs, la laissant inconsciente.
Désormais, l'ancienne rebelle participe avec les militaires blessés à des séances de réhabilitation, sans aucune rancoeur.
"Petit à petit, je me suis rendu compte que c'était le rôle de l'armée, eux aussi devaient lutter pour ne pas se faire prendre", dit-elle.
rtl