«Au début, je me levais la nuit pour appuyer sur les boutons et allumer la lumière. »
De ses enfantillages du mois de décembre, Michèle Meyer s'amuse encore.
Après avoir passé 35 ans sans électricité dans sa petite ferme dauphinoise de Saint-Marcel-Bel-Accueil, cette pétillante femme de 76 ans -qui a passé les vingt premières années de sa vie à Paris- a encore du mal à réaliser ce tout récent confort.
Depuis la mi-décembre, et l'installation de quelques panneaux photovoltaïques, la retraitée vit comme tout le monde... ou presque.
« L'hiver, ça devenait vraiment dur. Je n'en pouvais plus d'avoir froid. Maintenant, il fait 17-18°, dans la maison. Ça change tout. Avant, comme je n'étais pas habituée, dès que j'allais chez des amis, dans une maison chauffée, j'étouffais. Et puis, il y avait mes enfants aussi.
La dernière année, ils m'ont dit : "Tu ne peux plus vivre comme ça". » Alors, à l'automne dernier, Michèle s'est rangée à la raison.
Mais à sa manière.
S'il y a de l'électricité, ce sera de manière écolo.
Plus besoin de bougie
Pas question pour elle de faire turbiner les réacteurs nucléaires.
De toute manière, les réseaux électriques ne sont jamais arrivés jusqu'à sa maison de pierre, au bout du petit chemin du Prêt.
Trop coûteux pour tout le monde.
Elle a donc monté un dossier pour installer des panneaux solaires sur l'auvent de sa demeure.
Depuis, elle découvre avec candeur le bonheur d'avoir un poële à granules ainsi que quatre ou cinq ampoules basse consommation.
« Il m'a bien fallu trois semaines pour ne plus allumer mes bougies le soir. Mais au final, c'est beaucoup mieux.La lampe à pétrole, ça sentait mauvais.Et, avec les bougies, j'ai bien failli mettre le feu plusieurs fois ! C'est bien simple, avant, c'était le Moyen Âge. On se lavait une fois par semaine dans un baquet devant la cheminée.Le reste du temps, c'était la toilette de chat, ou bien des amis m'invitaient à prendre un bain. »
« Ce n'est pas le confort qui rend heureux »
Bien sûr, il manque encore quelques éléments de confort moderne.
Le réfrigérateur n'est pas encore opérationnel.
« Alors, j'ai renoncé au lait et au fromage. J'achète les yaourts par quatre et je les laisse dans le garde-manger. Les légumes viennent du potager et je suis devenue végétarienne. »
Attention, du haut de ses 76 printemps, Michèle Meyer vit dans une grande autonomie, mais pas dans l'autarcie.
« L'autre dimanche, il y avait encore 12 personnes. Je leur ai appris à faire du pain, on a discuté. Des bonheurs simples. »
Seul petit luxe dans une vie qui serait presque monacale sans la visite régulière d'amis et famille, la télévision.
« Je regarde beaucoup d'émissions passionnantes. Hier, grâce à la télévision, j'étais dans la vallée de l'Indus. Ça me permet de voyager sans polluer. »
La septuagénaire se contente de peu pour être heureuse.
« Il me suffit d'entendre l'eau dans mon jardin et je suis dans les fontaines de Rome. »
Mais si cette "nouvelle vie" a rassuré tous les proches de Michèle Meyer, elle a aussi tendance à la faire culpabiliser.
« Du coup, j'ai compensé en devenant encore plus écolo qu'avant. Je me suis lancée dans le bio et je refuse tous les emballages », raconte-t-elle en se remémorant, presque horrifiée, le frigo de son fils, rempli à ras-bord.
« Vous savez, ce n'est pas le confort qui rend heureux. L'important, c'est d'être bien avec la nature et de voir les gens qu'on aime. »
Un bonheur qui devrait aller crescendo dans les mois à venir : un de ses petits-fils va s'installer avec elle.
« Ainsi, avec le temps qui passe, il m'aidera et je pourrai rester chez moi. Pas besoin d'aller dans une de ces maisons que je déteste. Et l'éolienne au fond du jardin, c'est pour qu'il produise son électricité ! »
Définitivement, pour Michèle, le bonheur est au chemin du Prêt.
Sujet: Sans électricité depuis 1973 
