Nombre de messages : 47075 Age : 59 Date d'inscription : 20/02/2005
Sujet: L'accident des 24 Heures du Mans 1955 Mar 8 Oct - 21:51:19
L'accident des 24 Heures du Mans 1955 est, avec 82 morts dont le pilote français Pierre Levegh) et 120 blessé
Le samedi 11 juin 1955, lors de la 23e édition de la course d'endurance mancelle, la Mercedes-Benz 300 SLR de Pierre Levegh décolle en percutant l'Austin-Healey de Lance Macklin à la fin du 35e tour ; elle quitte le sol à plus de 200 km/h, passe au-dessus du talus de protection, explose en retombant sur un muret, et des éléments lourds du véhicule disloqué sont projetés dans la foule dense qui se presse de l'autre côté, le long des palissades.
Cet accident provoquera le retrait du constructeur Mercedes-Benz de la compétition automobile pour les décennies suivantes : il ne reviendra au Mans qu'à partir de 1998 et en Formule 1 qu'en 2010
L'accident a eu lieu à la fin du circuit de 13,5 km, au niveau de la ligne d'arrivée qui précède le long alignement des stands sur la droite, et les enceintes des tribunes à gauche ; avant d'arriver dans ce dernier tronçon les voitures sortent d'une courbe rapide dite « Maison Blanche », puis suivent une portion rectiligne qui oblique légèrement sur la droite après quelques centaines de mètres.
Comme dans toute zone où sont admis les spectateurs, la piste est bordée d'un talus de protection haut d'un mètre environ, renforcé par des fascines, et longé un peu plus loin par des palissades derrière lesquelles se trouve le public2.
Après une très longue enquête, la commission pourra décrire aussi précisément que possible la séquence qui a mené au drame.
À 18 h 28 quatre voitures sortent du virage de « Maison Blanche », d'abord l'Austin-Healey de Lance Macklin (no 26) qui roule à environ 175 km/h, puis la Jaguar de Mike Hawthorn (no 6) qui est en tête de la course à ce moment, suivi de la Mercedes-Benz de Pierre Levegh (no 20) et, un peu en arrière, de la Mercedes-Benz de Juan Manuel Fangio.
Ces trois dernières voitures roulent à environ 240 km/h.
Dans la courte ligne droite qui suit, Hawthorn double l'Austin de Macklin (no 26), puis se remet à droite, et freine pour entrer au stand3.
Macklin (no 26) voit trop tard que la Jaguar (no 6) est en train de ralentir devant lui et, surpris, il donne un brusque coup de volant à gauche et, en même temps, freine si brutalement qu'il bloque ses roues et perd le contrôle de sa voiture qui part dans une violente embardée à travers la piste au moment où arrive la Mercedes-Benz de Levegh (no 20) qui ne peut pratiquement rien faire pour l'éviter.
Le bord arrondi de son aile avant droite atteint le bord gauche du coffre de l'Austin et monte sur ce plan incliné, puis la roue suit ; en une fraction de seconde, l'avant de la Mercedes-Benz se trouve soulevé et, ainsi cabrée, elle offre au vent relatif dû à la vitesse son fond plat qui couvre tout le dessous2.
Au coup d'élan vers le haut donné par le tremplin que constitue la plage arrière de l'Austin s'ajoute alors la poussée aérodynamique qui achève de soulever la voiture : elle décolle, heurte les fascines du talus de protection et passe au-dessus ; elle le survole un bref instant mais, comme la piste oblique là vers la droite, elle se retrouve à gauche au-dessus d'une enceinte réservée aux professionnels de l'automobile.
En redescendant, elle heurte violemment les spectateurs qui sont en dessous, souvent debout sur des chaises pour mieux voir, ce qui provoque fractures du crâne et même éclatement de la boîte crânienne ; les moins touchés auront des lésions du cuir chevelu.
Il y aura là une quinzaine de morts.
Après ce survol d'une quarantaine de mètres, la Mercedes-Benz arrive sur un petit muret en béton qui borde le souterrain permettant de traverser la piste ; toujours cabrée le nez vers le ciel, elle vient s'abattre dessus à près de 150 km/h dans un fracas de tonnerre que beaucoup prendront pour une explosion.
Le choc est si violent que tous les éléments situés devant le pilote se détachent : capot, radiateur, moteur, train avant et autres continuent sur leur lancée sur près de soixante mètres à travers la foule dense qui se presse le long des palissades.
La partie arrière de la voiture bascule et rebondit en l'air, se retourne et s'écrase vingt mètres plus loin sur le talus de protection juste devant les stands.
Quand la Mercedes-Benz s'est retournée en vol, le pilote est tombé dans le fossé situé entre le talus et les palissades.
Une jeune femme, accrochée par la voiture au niveau du souterrain, se retrouve sur la piste juste contre le talus et à côté de l'épave qui prend feu dans une puissante déflagration qui jette au sol tous les spectateurs proches.
Il y aura là plus d'une soixantaine de morts.
Dans le même temps, l'Austin qui a été percutée par la Mercedes-Benz et dont le train arrière gauche a été démoli par le choc zigzague d'un bord à l'autre de la piste jusqu'aux stands où elle fauche quatre personnes, dont un commissaire de piste qui perdra la vie.
Le nombre élevé de victimes tient au fait que la Mercedes-Benz a décollé, ce qui ne s'était encore jamais vu, avant que les éléments lourds comme le moteur ou le train avant ne plongent à travers les spectateurs qui étaient extrêmement nombreux le long des palissades.
Les secours seront de surcroît débordés par le nombre important de victimes.
Malgré l'ampleur du drame, les organisateurs décident de ne pas stopper l'épreuve afin de ne pas saturer les routes d'accès par un départ massif des spectateurs, et ainsi permettre aux secours d'intervenir.
Moss et Fangio poursuivent l'épreuve jusque vers une heure du matin, lorsque la direction de Mercedes-Benz à Stuttgart intime l'ordre à Alfred Neubauer de se retirer.
Mercedes-Benz ne reviendra au Mans que dans les années 1980 avec le programme Sauber de Groupe C, puis officiellement en 1998 et 1999.
Ayant également quitté le championnat du monde de Formule 1 en 1955 pour les mêmes raisons, Mercedes n'y revient en tant qu'écurie qu'en 2010.
Voitures impliquées dans l'accident
No 26, une Austin-Healey 100S appartenant au pilote amateur anglais Lance Macklin. C'était un petit cabriolet, ou roadster, comme en fabriquaient plusieurs constructeurs britanniques à cette époque. Bien que préparée spécialement pour la course, elle est de performances très modestes comparée aux voitures d'usine (environ 200 km/h en pointe contre près de 300 km/h). À l'arrière, le coffre descend en pente douce depuis l'habitacle jusqu'au point le plus bas du châssis qui est très proche du sol. Ce point jouera un rôle important dans l'accident.
No 20, une Mercedes-Benz 300 SLR engagée par l'usine et pilotée par le Français Pierre Levegh. Avec les Jaguar et les Ferrari, elle compte parmi les voitures les plus puissantes et les plus rapides de l'épreuve. Comme presque toutes les machines très performantes, elle est entièrement carénée : le dessous est plat et lisse. Là encore, cette disposition comptera pour beaucoup dans l'accident.
Au départ de l'épreuve, il y a soixante voitures engagées, avec une très grande disparité : les machines d'usine approchent les 300 km/h quand celles de pilotes privés plafonnent autour de 200 km/h ; les accélérations et les passages en courbe sont dans le même rapport. La même disparité se retrouve au niveau des pilotes : une poignée d'as venus des Grands Prix de Formule 1, comme Eugenio Castellotti, Fangio ou Hawthorn, côtoient des gens moins pointus mais entrainés aux courses d'endurance, et aussi des amateurs de moindre talent qui courent rarement.