Quand leurs salariés se font flasher au volant d'un véhicule de l'entreprise, la plupart des sociétés françaises adoptent la loi... du silence.
Si l'amende est payée, l'employé se voit rarement retirer des points sur son permis.
Soit les clichés ne permettent pas de l'identifier, soit l'entreprise ne souhaite pas le désigner comme auteur de l'infraction.
Le gouvernement souhaite en finir avec cette logique de conducteur fantôme.
Un projet de loi — qui doit être voté ce mercredi à l'Assemblée pour une entrée en vigueur le 1er janvier — prévoit d'obliger les patrons à dénoncer les salariés s'ils se font flasher au volant d'un véhicule de société.
Ceux qui ne se plieraient pas à cette règle seraient passibles d'une amende allant de 90 € à 1 875 €.
Les PME fragilisées ? Dans un rapport remis en juillet 2014 au ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve, l'Inspection générale de l'administration estimait « nécessaire de mettre fin à ces errements qui encouragent l'incivisme pour ceux qui bénéficient d'un véhicule de service ».
« Beaucoup de salariés abusent du système actuel, indique Emmanuel Barbe, le délégué interministériel à la sécurité routière. Chaque année, deux millions de points devraient être retirés mais ne le sont pas. Pousser ses salariés à rouler plus lentement est bénéfique à la fois pour les entreprises et pour les employés. Car il y a moins d'accidents et moins d'absences à compenser. »
« Les accidents de la route représentent plus de cinq millions de journées non travaillées indemnisées chaque année par la Sécurité sociale », renchérit Chantal Perrichon, présidente de la Ligue contre la violence routière. Et de rappeler qu'ils sont aussi la première cause de mortalité dans le monde du travail, avec 483 décès l'an dernier.
2 millions de points ne sont pas retirés chaque année à cause de la non-dénonciation de l’auteur de l’infraction par son patron.
Vingt et un grands groupes — de La Poste à Total en passant par Axa — ont pris les devants et dénoncent les salariés qui ne respectent pas les limitations de vitesse.
« Ces pionniers pèsent 1,1 million de salariés, soit 5 % de l'emploi salarié en France », s'est félicité hier Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur.
« Beaucoup de petites entreprises n'auront sans doute pas intérêt à dénoncer l'un de leurs chauffeurs car, s'il perd son permis, il ne pourra plus travailler », avance Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes. Cette mesure suscite d'ailleurs l'indignation de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises (CGPME), qui accuse le gouvernement de vouloir faire des chefs d'entreprise des « auxiliaires de police routière » en se livrant à une pratique « délétère peu propice à un climat social serein ».
« Les entreprises ont pourtant tout intérêt à le faire car celles qui disposent d'une flotte importante de véhicules passent des heures à gérer les contraventions reçues », explique Jean-Claude Robert, délégué général de l'association Promotion sécurité routière en entreprise.
C'est le cas du groupe SGS, basé à Arcueil (Val-de-Marne).
L'entreprise dipose de 1 200 véhicules pour ses techniciens et ingénieurs et reçoit 2 000 contraventions par an.
Elle a mis en place un carnet d'utilisation qui permet de savoir qui était au volant lorsque la voiture a été flashée. SGS demande à ses employés de payer l'amende et de se désigner quand ils sont pris en faute. En contrepartie, la société finance à 50 % ou 75 % les stages de récupération de points.
leparisien