Le Bazar de la Charité est, à l'origine, un consortium de plusieurs œuvres de bienfaisance, qui louent un local ou un espace d'exposition en commun, afin de réduire leurs dépenses et de permettre de grouper acheteurs et invités.
Installé, de 1885 à 1887, rue du Faubourg-Saint-Honoré, en 1889 place Vendôme et, en 1888 et de 1890 à 1896, rue La Boétie4, il est transféré en 1897, année du drame, au no 15 et 17 de la rue Jean-Goujon (8e arrondissement), sur un terrain mis gracieusement à disposition par le banquier Michel Heine.
Ce terrain était alors occupé par un hangar en bois de quatre-vingts mètres de long sur treize de large, loué le 20 mars 1897 par le baron de Mackau au curé Delamai
La catastrophe coûte la vie à plus de cent vingt personnes, la plupart étant des femmes charitables issues de la haute société parisienne.
On retrouvera parmi les victimes, entre autres, Sophie-Charlotte, duchesse d'Alençon (sœur de l'impératrice « Sissi »), la peintre et céramiste Camille Moreau-Nélaton et Madame de Valence et ses deux filles.
Les ventes sont organisées pour avoir lieu les 3, 4, 5 et 6 mai 1897.
La première journée, le lundi 3 mai, sera honorée par la présence de Mlle de Flores, fille de l'ambassadeur d'Espagne.
La vente du 4 mai sera, quant à elle, honorée de la présence d'une Altesse Royale, la duchesse d'Alençon. Membre de la Maison royale de Bavière, sœur de l'impératrice d'Autriche et de l'ex-reine des Deux-Siciles, petite-fille par alliance du roi des Français, Louis-Philippe Ier, la princesse, qui vient de fêter ses cinquante ans, est apparentée à tout le gotha européen.
Les comptoirs sont tenus par des dames appartenant à la plus haute aristocratie française ou à la grande bourgeoisie.
Le Bazar est béni par le nonce apostolique Mgr Eugenio Clari à 15 heures : celui-ci, après un tour rapide, s'en va sans que la foule qui se presse là s'en rende bien compte.
Vers 16 heures, la duchesse d'Alençon, qui préside le stand des noviciats dominicains situé à une extrémité de la galerie, murmure à l'une de ses voisines, Mme Belin :
- « J'étouffe… »
Mme Belin répond : « Si un incendie éclatait, ce serait terrible ! »
Vers 16 h 30 survient l'accident fatal : la lampe de projection du cinématographe a épuisé sa réserve d'éther et il faut à nouveau la remplir.
Monsieur Bellac, le projectionniste, demande à son assistant Grégoire Bagrachow8 d'allumer une allumette, mais l’appareil est mal isolé, et les vapeurs d'éther s’enflamment.
Le lendemain du sinistre. Photo parue à l'origine dans Le Monde illustré. L'incendie a tout dévasté.
Quelques instants après, alors que les organisateurs — parmi lesquels figurent le duc d'Alençon — ont été informés de l'accident et commencent déjà à faire évacuer, dans le calme, les centaines de personnes présentes dans le hangar, un rideau prend feu, enflamme les boiseries, puis se propage au velum goudronné qui sert de plafond au Bazar
Un témoin dira :
« Comme une véritable traînée de poudre dans un rugissement affolant, le feu embrasait le décor, courait le long des boiseries, dévorant sur son passage ce fouillis gracieux et fragile de tentures, de rubans et de dentelles. »
Au grondement de l'incendie répondent les cris de panique des 1 200 invités qui tentent de s'enfuir en perdant leur sang-froid.
Certaines personnes tombent et ne peuvent se relever, piétinées par la foule tâchant désespérément d'échapper aux flammes.
La duchesse d'Alençon dit à la jeune comtesse Mathilde d'Andlau : « Partez vite. Ne vous occupez pas de moi. Je partirai la dernière ».
À l'extérieur, les pompiers arrivent sur les lieux cependant que des grappes humaines surgissent du bazar, transformé en brasier.
Quelques-uns des visiteurs tentent de se sauver par la cour intérieure : ils seront sauvés grâce à l’intervention des cuisiniers de l’hôtel du Palais, MM. Gomery et Édouard Vaudier, qui descellent trois barreaux des fenêtres des cuisines pour les aider à s’extirper de la fournaise.
L'hôtel du Palais était la possession de la famille Roche-Sautier.
Un quart d’heure à peine après le début de l’incendie, tout est consumé : le hangar n’offre plus l’aspect que d’un amoncellement de poutres de bois calcinées, mêlées de cadavres atrocement mutilés et carbonisés.
« On vit un spectacle inoubliable dans cet immense cadre de feu formé par l'ensemble du bazar, où tout brûle à la fois, boutiques, cloisons, planchers et façades, des hommes, des femmes, des enfants se tordent, poussant des hurlements de damnés, essayant en vain de trouver une issue, puis flambent à leur tour et retombent au monceau toujours grossissant de cadavres calcinés. »
— Le Figaro du 5 mai 1897
Chapelle Notre-Dame-de-ConsolationPeu de temps après l'incendie, le terrain de la rue Jean-Goujon sera racheté à Michel Heine par le baron de Mackau.
Une souscription est lancée, à l'initiative du cardinal Richard, archevêque de Paris, pour acheter le terrain où avait eu lieu l'incendie, afin d’y construire une chapelle commémorative
Celle-ci sera édifiée par l’architecte Albert Guilbert.
La première pierre est posée le 4 mai 1898, et la Chapelle Notre-Dame-de-Consolation est inaugurée le 4 mai 1900 sous l’égide du cardinal Richard.
Cette chapelle d'expiation appartient à l'association Mémorial du Bazar de la Charité, composée de descendants des victimes de l'incendie du 4 mai 1897, et fait l’objet d’un classement au titre de monument historique depuis le 19 février 198227.
Monument au cimetière du Père-Lachaise dédié « aux victimes non reconnues de l’incendie du Bazar de la Charité - 4 mai 1897 ».
Elle est dédiée aux victimes dont cent vingt-six noms sont inscrits sur six plaques de marbre noir en lettres d'or dans la chapelle, et accueille la communauté catholique de langue italienne de Paris de 1953 à fin 2012.
Le bail de location est alors renouvelé avec le « prieuré Saint-Denis » (communément appelé « chapelle Sainte-Germaine de Wagram ») de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X