Zahia se bat pour protéger sa fille de 3 ans de l'endoctrinement de son ex-compagnon.
Elle redoute un enlèvement vers la Syrie.Zahia,29 ans,a le sentiment d’être abandonnée des institutions.
Redoutant que son ex-compagnon n’emmène avec lui sa fille de 3 ans en Syrie,elle demande que son droit de visite soit médiatisé,c’est-à-dire qu’il ne puisse voir la fillette qu’en présence d’un tiers.C'est presque devenu une habitude.
Toutes les deux semaines,Zahia est convoquée au commissariat.
Motif : non-présentation d'enfant.
Séparée depuis deux ans d'un homme tombé dans l'islam radical,c'est jusqu'ici la seule façon qu'a trouvée cette maman de 29 ans installée en région parisienne pour protéger sa fille de 3 ans.
La jeune femme craint que le père de la fillette,qui a largement exprimé ses velléités de départ vers le Yémen ou en Syrie,ne l'enlève lors d'un droit de visite.
« Je l'ai quitté à cause de cela.
Je refusais la perspective que ma fille vive dans un pays où elle n'aurait aucun droit »,détaille la jeune femme,qui a le sentiment d'être « abandonnée » par les institutions,seule face à un dilemme qui ressemble plus au « Choix de Sophie » qu'à une véritable alternative.
« On me menace aujourd'hui de placer ma fille,si je ne respecte pas le droit de visite de son père !
C'est écœurant.
Je ne demande pas à couper les liens entre eux,mais juste un droit de visite médiatisé,c'est-à-dire que son père ne la voie pas seule.
Mais les juges aux affaires familiales ne veulent rien savoir... » se désole-t-elle.
D'une voix douce,celle-ci décrit le glissement progressif de son ancien compagnon vers l'islam ultra-radical,une dérive dans laquelle elle a d'abord consenti à le suivre,en adoptant un mode de vie jalonné d'interdits.
« A la suite d'un deuil en 2010,il s'est mis à regarder des vidéos sur Internet,à parler d'un complot contre les musulmans et à évoquer ses frères qui se faisaient massacrer en Bosnie... » raconte la jeune femme.
Cinq ans plus tôt,lors de leur rencontre,le jeune homme n'a alors qu'un intérêt limité pour la religion.
Il passe désormais ses journées à la mosquée et ses nuits sur Internet.
Zahia,elle,accepte peu à peu une vie coupée du monde et de ses amies,sans radio ni télévision.
Elle adopte le foulard,puis le voile intégral,et doit renoncer à travailler,son compagnon craignant qu'elle ne croise des hommes.
Elle passe désormais ses journées enfermée chez elle.
« Parfois,pour me sortir,il m'emmenait en voiture lorsqu'il travaillait encore et j'attendais dedans toute la journée sur le parking,comme un chien »,dit-elle aujourd'hui avec lucidité.
Lorsque fin 2011,Zahia tombe enceinte,son compagnon durcit le ton.
« Il s'est mis à dire qu'on vivait dans un pays de mécréants,qu'il fallait partir.
Il est allé au Maghreb,mais est revenu en disant que les pays qui appliquaient vraiment la charia,c'était le Yémen ou la Syrie et que sa fille n'irait jamais à l'école en France.
Il avait déjà tout prévu : voile à 7 ans,niqab à 12 ans. »
L'homme refuse de chanter des berceuses à sa fille,car la musique est « impure ».
Bannit les peluches,au nom de l'interdiction de la représentation humaine et animale.
« Il est allé jusqu'à couper la tête des poupées,et même celles des papillons qui ornaient le mobile suspendu au-dessus du berceau de ma fille »,détaille la jeune mère,avouant s'être alors « réveillée »,face aux propos complaisants de son compagnon sur l'excision,la polygamie,les mariages de jeunes filles avec des hommes beaucoup plus âgés...
« Ce que j'avais accepté pour moi,je ne pouvais pas le concevoir pour ma fille »,résume-t-elle.
Le couple se sépare à l'été 2013 mais,au grand dam de Zahia,le juge aux affaires familiales (JAF) accorde un droit de visite et d'hébergement au père de la fillette.
Son attitude avec sa fille continue d'inquiéter la jeune femme.
« Tout ce qu'il lui raconte nuit à son développement psychologique.
Il voulait même m'interdire de fêter son anniversaire ! »
Pour autant,Zahia n'a pas de haine contre son ex-compagnon,qu'elle considère comme une victime d'un embrigadement.
« Nous avons fait appel de la décision du JAF,fournissant de nombreuses attestations de personnes extérieures à la famille,en vain,se désole Me Gabriel Versini,son avocat.
Notre demande d'expertise psychiatrique a été refusée.
Ma cliente a saisi un juge des enfants,mais les services sociaux n'ont même pas visité le logement de monsieur !
» Zahia, qui dit vivre « dans la peur »,fait aujourd'hui partager son expérience en témoignant régulièrement au Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam.
« J'essaie d'aider les enfants des autres.
Mais qui aide ma fille ? » se révolte-t-elle.
le parisien