Témoignage. Otage des talibans pendant 131 jours en 2013,Pierre Borghi nous raconte une détention effroyable.Paris,lundi.
Pierre Borghi avait été enlevé par un groupe taliban à Kaboul le 27 novembre 2012.
Il s’est évadé,seul,le 7 avril 2013.Il est sorti de l'enfer. « D'une tombe »,comme il décrit ce trou où il n'avait la place ni de s'allonger ni de s'asseoir et dans lequel il a passé l'essentiel de ses cent trente et un jours de captivité en Afghanistan.
Le sourire franc,Pierre Borghi,30 ans,raconte avec simplicité le calvaire de sa prise d'otage dans les rues de Kaboul par un groupe taliban,le 27 novembre 2012,et les conditions épouvantables de sa détention.
Plus d'un an a passé depuis son évasion le 7 avril 2013,à la force de ce qui lui restait encore dans le corps,et guidé par un courage impressionnant.
Alors qu'il publie le récit de son aventure (lire ci-contre),cet ancien travailleur dans l'humanitaire,photographe indépendant,se confie.
Pourquoi avoir écrit ce livre ?PIERRE BORGHI. C'était le meilleur moyen de donner un sens à cette histoire.
Ecrire,c'était une sorte de thérapie,un moyen de tourner la page,mais aussi de laisser une trace écrite pour ne plus avoir besoin de me rappeler.
Même si,évidemment,je n'oublierai jamais.
Comment avez-vous fait pour ne pas craquer ?On n'a pas le choix.
On se raccroche au fait d'être en vie.
Quand je me suis retrouvé dans ce trou,dans des conditions avilissantes et déshumanisantes,je me suis aussi accroché à une certaine rationalité.
Je me disais que j'étais devenu un capital pour mes ravisseurs et qu'ils n'avaient aucune raison de me laisser mourir.
Et que le fait d'être empaqueté sous terre,c'était logique de leur part : je n'étais pas visible et ma détention était facile à assurer.
Qu'est ce qui a été le plus dur à vivre ?L'obscurité.
Quand vous passez des journées entières dans le noir et le silence complet,c'est très très long.
J'ai senti que je basculais,mais j'ai trouvé des forces : en pensant à mes proches ou à la liste de projets que j'avais réussi à griffonner.
J'ai aussi souffert de la faim et du froid.
Et je me suis profondément ennuyé.
Niveau introspection,j'ai été servi !
Je me forçais à dormir,à mettre un foulard sur les yeux pour ne plus voir le noir.
Dormir,c'était la fuite,le rêve,l'absence.
Qu'est-ce qui vous a décidé à tenter l'évasion ?Mes ravisseurs m'avaient expliqué que les négociations autour de ma libération s'étaient compliquées et que,si ça n'avançait pas,ils allaient m'exécuter.
Je ne sais pas si c'était vrai,mais ce coup de pression m'a décidé.
J'avais réussi à enlever mes chaînes et à soulever la trappe de mon trou.
J'ai attendu la fin de l'hiver et je me suis lancé dans l'inconnu.
J'ai réussi à me faufiler à travers la fenêtre d'une grange et,après une longue nuit de marche,je m'en suis sorti.
Que sont devenus vos ravisseurs ?Je ne sais pas.
J'ai identifié le lieu de ma détention avec les services secrets,mais je ne sais pas ce qui s'est passé ensuite.
J'imagine que les responsables de mon enlèvement n'ont pas apprécié mon évasion.
Il est évident que je n'ai pas beaucoup d'affection pour mes geôliers,même si j'arrive à comprendre leurs revendications.
J'éprouve de la haine uniquement pour le donneur d'ordre.
Il n'a jamais été honnête.
Comment allez-vous aujourd'hui ?Ça va !
J'ai retrouvé mon poids et je me suis ressourcé auprès de ma famille et de mes amis.
Psychologiquement,je me sens bien.
Je ne fais pas de cauchemars,même si je dors avec les volets ouverts.
Aujourd'hui,je recherche du travail.
J'ai envie de retourner en Afghanistan,mais pas tout de suite.
Un récit haletant et éprouvant« Don't speak.
Ce que je devine être la crosse d'un pistolet écrase mon oeil.
C'est un signe clair : on n'est pas là pour rigoler,et j'ai plutôt intérêt à rester calme si je veux m'en sortir. »
Ainsi commence le récit haletant de la captivité de Pierre Borghi,« 131 Nuits otage des talibans ».
De retour en Afghanistan où il a effectué une mission humanitaire l'année précédente le jeune homme est kidnappé dans une rue de Kaboul ce soir du 27 novembre 2012.
Au-delà de l'histoire incroyable,l'ouvrage de l'ancien otage détenu dans des conditions inhumaines enchaîné dans un trou est une formidable leçon d'intelligence de situation.
Parfois très cru dans les conditions où il s'est retrouvé,assouvir ses besoins naturels devient un enjeu primordial,son livre tient en haleine le lecteur de bout en bout.
Jusqu'à ce happy end digne d'un « James Bond ».
« 131 Nuits otage des talibans.
Kabul Rock Radio »,First Editions,parution demain,16,95 €.le parisien