Filmée et retransmise pour des étudiants de Londres,l’intervention du professeur Duffau a été réalisée à Montpellier.
Le professeur Hugues Duffau se concentre.
Il est 7 h 45,l’hôpital Gui-de-Chauliac tourne au ralenti.
Quatre étages plus haut,le neurochirurgien s’apprête à opérer une tumeur du cerveau.
Mais,aujourd’hui,il s’agit d’une opération un peu spéciale et le professeur a une inquiétude supplémentaire.
Une équipe de techniciens vidéo spécialement débarquée à Montpellier va retransmettre l’intégralité de la chirurgie à des étudiants londoniens du College London Hospital,via une régie connectée en “visio”.
Une opération sans anesthésie
En descendant au bloc,Hugues Duffau confie : "Opérer un cerveau,je sais faire,ce qui me préoccupe,c’est le bon déroulement de la retransmission."
La patiente,elle,a fait le voyage depuis São Paulo (Brésil) pour être opérée.
Son cas n’est pas unique et la méthode Duffau a fait ses preuves.
"Il y a un siècle,aux États-Unis,on opérait sans anesthésie.
J’ai commencé à appliquer cette méthodologie à l’échelle individuelle il y a près de seize ans.
Je dis à l’échelle individuelle parce que tous les cerveaux sont différents et chaque personne réagit différemment."
Concrètement,il y a une grande différence entre cette façon d’opérer,devenue standard,et l’ancienne,avec anesthésie : "Sur un patient éveillé,on peut observer une réaction".
Petite explication : "Nous avons changé notre philosophie de la neurochirurgie.
Nous sommes passés d’un temps où on considérait le cerveau comme une matière rigide,à nos jours,où l’on pense qu’il fonctionne en connectivité."
Par “connectivité”,le professeur entend toutes les connexions,principales ou subalternes,qui s’opèrent dans le "circuit intégré" du corps.
Suivant sa méthode il stimule une parcelle avec un appareil électrique et observe directement la réaction de la patiente éveillée.
Une collaboration chirurgien/patient
Scène invraisemblable il y a quinze ans,la patiente brésilienne collabore aujourd’hui à sa propre opération,effectue des gestes du bras,compte jusqu’à dix,puis décompte.
Pour vérifier si le travail des chirurgiens prend la bonne direction.
La réactivité instantanée permet au professeur de savoir s’il touche une zone sensible.
La faculté de parler,d’articuler une pensée simple,sont les signaux de la réussite de l’intervention.
"Si,à un moment donné,elle semble buter sur un chiffre,il ne faut pas toucher cette zone.
Cela risquerait d’engendrer des séquelles irréversibles."
L’ancienne méthode,où le patient dormait,ne permettait pas d’anticiper ces séquelles postopératoires.
Autant le dire : il s’agit d’une vraie révolution.
Des images défilent "devant ses yeux et on regarde si ce qu’elle dit voir correspond à la réalité,tout en continuant à stimuler les zones de son cerveau",poursuit le praticien.
L'opération suivie en direct à Londres par caméra
L’artiste manœuvre,micro à la blouse.
Armé d’un scalpel et d’une sorte de stilet électrisant,il teste successivement les parcelles nerveuses.
Tantôt la patiente poursuit son incessant décompte,tantôt sa voix déraille.
Elle,se trouve de l’autre côté du rideau protecteur,pendant que le Professeur Duffau examine minutieusement l’intérieur de son crâne.
Les personnels gravitent autour ou observent le déroulement millimétré de l’intervention.
La voix détachée du professeur rassure la patiente.
À des lieues de l’hôpital Gui-de-Chauliac,un conférencier londonien commente l’opération sur son écran devant un public fasciné.
Si ce dispositif de retransmission existe,on le doit surtout à la démocratisation de cette méthode.
En seize ans,Hugues Duffau l’a développée,se posant en véritable pionnier à l’international.
"J’ai effectué près de 500 interventions de ce type et la méthode s’est répandue dans les hôpitaux et les centres spécialisés dans la neurochirurgie".
Mardi dernier,il opérait une Athénienne souffrant d’une tumeur au cerveau.
Une même tumeur,il y a quinze ans,aurait été diagnostiquée inopérable.
Aujourd’hui,avec cette nouvelle méthode,"les gens vivent mieux,et plus longtemps".
Certes,la guérison n’est pas certaine.
Mais le bond en avant des neurosciences propose désormais une nouvelle philosophie : faire reculer les limites de l’impossible.
midi libre
Sujet: il opère en direct le cerveau d’une patiente éveillée à Montpellier 
