25 albums, traduits en 17 langues, et des centaines de produits dérivés : Babar n'a pas pris une ride et se porte comme un charme.
A 75 ans, cet éléphant plus qu'attachant tout droit sorti de l'esprit de Cécile et Jean Brunhoff reste une valeur sûre de la littérature enfantine.
Babar est une histoire de famille. Celle de la famille Brunhoff.
Au début des années 1930, alors que l'Europe profite d'un répit de courte durée entre deux guerres mondiales, les Brunhoff vivent Heureux à Paris et élèvent leurs deux enfants, Laurent et Mathieu.
Un soir, Cécile, la maman, professeur de piano, leur raconte l'histoire d'un petit éléphant dont la mère est tuée par un chasseur.
Orphelin, il s'exile chez les humains, s'habille et apprend à vivre comme eux.
Mais l'éléphanteau est triste, car loin de son peuple. Celui qui ne s'appelle pas encore Babar finit par retourner parmi les siens, pour être couronné Roi des éléphants.
L'histoire aurait pu s'arrêter là et demeurer un simple conte familial, qui se transmet de génération en génération.
Mais c'était sans compter sur l'enthousiasme des deux garçons, qui voulaient plus que tout donner vie à ce personnage imaginé par leur mère : "nous avons adoré cette histoire", raconte Laurent.
"Nous nous sommes précipités à l'atelier de mon père, qui était peintre, pour la lui raconter.
Et il s'est mis à faire des petits dessins".
Le peintre se découvre alors des talents de conteur jusque là insoupçonnés.
Il entreprend de donner vie à l'éléphant, sous la forme d'une suite de toiles qui mettraient en scène des personnages récurrents, parce qu'un simple tableau, après tout, c'est frustrant : "l'idée de faire un album l'a pris et il a dessiné sur un grand carnet l'histoire de Babar", confie Laurent, aujourd'hui âgé de 80 ans.
Pom, Flore et AlexandreDans l'esprit de Cécile, l'éléphant était seul, mais pour Jean, il doit être entouré d'une grande famille : il lui adjoint Céleste, qui deviendra sa femme dans le deuxième album paru en 1932, ainsi que trois enfants, Pom, Flore et Alexandre.
Il l'affuble d'un costume trois pièces vert, d'un nœud papillon rouge et d'une couronne vissée sur le crâne. Babar est né.
Dès 1931, les premières aventures de l'éléphant roi deviennent un succès d'édition.
Un si grand succès même que Babar s'exporte Outre-atlantique, dès 1933.
"C'était une surprise. Au début des années 30, il n'y avait pas tellement de livres pour enfants", souligne Laurent. Jean Brunhoff décède en 1937, mais Babar survit à la disparition de son créateur, grâce à l'aîné des deux frères.
Le père Noël et l'espaceLaurent laisse passer la Seconde guerre mondiale, grandit et reprend le flambeau à 21 ans.
Il imaginera 18 autres aventures, qui amènent Babar à rencontrer le père Noël et le convaincre d'inclure le pays des éléphants dans sa tournée.
Il parcourt aussi les Etats-Unis, de Washington à New York en passant par le Connecticut. L'éléphant roi ira même dans l'espace.
Babar est devenu une bande dessinée prisée dans le monde entier en moins de 5 ans.
Et en 1989, le rêve de Laurent et Mathieu devient réalité, Babar est animé, au cinéma et à la télévision : il bouge, rit, pleure, émerveille des millions d'enfants et rassure les parents, avec son allure bonhomme et son discours fédérateur.
Babar colonialiste ?Trop lisse Babar ?
Il n'échappera pourtant pas à la critique colonialiste : pour certains, l'éléphant serait une icône raciste et impérialiste de la France des années 30. Michael Shelden, un universitaire américain, ira jusqu'à poser la question en 1998 : Faut-il brûler Babar ?
Pour d'autres, comme le professeur Ann Hildebrand, auteur de Jean et Laurent De Brunhoff : L'héritage de Babar, l'éléphant est un "merveilleux outil éducatif pour de nombreuses générations à venir".
Mais pour la plupart, Babar est juste un personnage pour enfant incontournable de la culture française, influencé par son époque certes, mais très éloigné des débats idéologiques.
Une chose est sûre, L'éléphant roi aura marqué plusieurs générations.
Depuis peu, il est immortalisé sur une série de timbres, tirés à 17 millions d'exemplaires, au même titre que Marianne ou que la Reine d'Angleterre...
Babar est roi des éléphants depuis 75 ans, et ne compte pas quitter son trône de si tôt.