Le CV anonyme est à la mode.
Le rapport Bébéar pour « des entreprises aux couleurs de la France », remis mardi à Jean-Pierre Raffarin, encourage les recruteurs à l’adopter.
Un amendement au projet de loi sur la cohésion sociale, déposé à l'Assemblée nationale par François de Panafieu, va plus loin et propose de le rendre obligatoire pour les sociétés de plus de 250 salariés.
Jean-Louis Borloo, le ministre de la cohésion sociale, y est quant à lui favorable par principe, mais juge plus réaliste de tenter d’abord une expérience ou de limiter l’obligation aux grands groupes, dont l’effectif dépasse 1000 personnes.
Pas de nom, ni de prénom, ni de sexe, ni d’adresse, ni d’âge, ni de nationalité, et pas d’informations manuscrites.
Rien qui puisse identifier le candidat, en somme, pour éviter toutes les discriminations.
Pour bien comprendre les enjeux d’une telle démarche, LExpansion.com a interrogé Cyrille de Montgolfier, le directeur des ressources humaines d’Axa.
Le leader mondial de l’assurance sera le premier groupe en France à mettre en place cette mesure, à partir du 1er janvier prochain.
Axa a décidé d’appliquer la règle des CV anonymes en janvier 2005. Comment cette mesure va-t-elle être mise en place ?
Axa France recrute chaque année environ 600 personnes, dont la plupart sont des commerciaux, et reçoit 40 000 CV, dont 20 000 par Internet.
Dans le futur, la majorité des CV nous arrivera par cette voie.
C’est pourquoi nous avons décidé de mener l’expérimentation seulement sur ces CV.
Nous ferons un bilan en juin et déciderons alors, ou non, de généraliser la mesure.
Le recruteur n’aura connaissance ni du nom, ni de l’âge, ni du sexe, ni de l’adresse, ni de l’e-mail du candidat.
Il ne fera son choix qu’en fonction des diplômes et de l’expérience professionnelle du postulant.
Une fois le choix fait, un e-mail sera envoyé au candidat, l’invitant à prendre éventuellement contact avec nous.
Comment être sûr que la cellule d’«anonymisation» ne fera pas, à son niveau, de discrimination ?
Il n’y aura pas de petites mains équipées de Typex pour effacer certaines données du CV.
Tout sera fait automatiquement, grâce à un système informatique que nous avons mis au point.
Seul les services informatiques sera amené à connaître l’ensemble des caractéristiques du candidat.
Il sera surveillé par un administrateur indépendant.
Dans le cas où l’expérience serait généralisée, un autre système devra être mis en place pour traiter les CV qui arrivent par fax ou par La Poste.
Mais à chaque jour suffit sa peine.
Nous n’y avons pas encore réfléchi.
Tout ce qui fait l’unicité d’un candidat ne risque-t-il pas d’être gommé par cette politique ?
Bien sûr que non.
Le CV anonyme permet de présélectionner un candidat dont le profil professionnel nous intéresse.
C’est ensuite, lors des futurs entretiens, que nous appréhenderont sa personnalité, qu’il nous parlera de ses hobbys, de ses passions, de son profil plus personnel qui est aussi un aspect important pour le recruteur.
Il ne s’agit pas de faire de la discrimination positive.
Il s’agit seulement de donner, au départ, les mêmes chances à tout le monde.
Est-ce à dire que cela n’était pas le cas ? Et l’utilisation des CV anonymes ne risque-t-elle pas de simplement déplacer le niveau où se pratique la discrimination ?
Il peut y avoir, chez nous comme ailleurs, ce que j’appellerais des « comportements passifs », consistant par exemple à mettre un CV plus ou moins haut dans la pile, en fonction de critères extra professionnels.
C’est à ces comportements que nous nous attaquons. Mais nous n’avons pas honte de notre politique.
Il s’agit seulement de progresser, dans le regard que nous portons sur les gens et dans le comportement que nous adoptons.
Chez Axa, nous avons toujours été très attachés à la lutte contre les discriminations.
Et un collaborateur qui adopterait une attitude discriminatoire se mettrait lui-même en marge de notre entreprise.
Globalement, la mesure rencontre un écho très favorable en interne.