Le combat d'une ex-condamnée à mort

Antoinette Chahine,condamnée à mort puis innocentée,vit au Liban avec son mari et ses deux enfants.

Elle est venue à Paris soutenir Ensemble Contre la Peine de Mort, pour les 10 ans de l'association.

A première vue,impossible de deviner que cette mère de famille a connu le pire.

La voix est calme et posée.

Cependant,elle s'arrête parfois,et son regard s'évade.

Du côté de Beyrouth peut-être,où jeune étudiante en droit,elle est arrêtée le 21 mars 1994, le jour de la fête des mèles.

Mêlée malgré elle aux activités de son frère Jean,membre des Forces Libanaises,une milice chrétienne impliquée à cette époque dans le meurtre d'un prêtre,elle ira en prison à sa place.

"Mon frère avait quitté le Liban en 1990,mais il fallait un coupable,mon arrestation n'était que politique."

Elle passera presque 3 ans dans une toute petite cellule avant même d'être jugée.

Elle y connaît la torture,qu'elle n'arrive toujours pas à décrire: "Je ne trouve pas les mots pour parler de la torture.

Le plus difficile à endurer,c'est la soif,pas la douleur."

Amnesty International,"une bénédiction"

Ce qui l'aide à tenir,outre sa foi,c'est la certitude de son innocence.

Et lorsque enfin,le procès a lieu en février 1997,elle le vit comme la fin d'un calvaire: "J'étais tellement sûre d'être libérée...

Ma famille avait même décoré la maison,et préparé une belle fête pour mon retour.

Quand le juge m'a déclaré coupable et condamné à mort,je me suis évanouie.

A mon réveil,j'étais incapable de parler,et même de marcher."

Son avocat,Maître Abedib,fera appel du jugement.

C'est alors qu'Amnesty International rend un rapport sur son cas: "Ce fut une bénédiction.

Jusque là,seule ma famille et quelques associations libanaises me manifestaient du soutien.

A partir du rapport,j'ai reçu des centaines,puis des milliers de lettres.

Ca donne de la force pour lutter.

Le facteur devait prendre un taxi pour apporter tout mon courrier" Sourire lointain...

Antoinette Chahine en profite pour remercier les Français en particulier,qui ont se sont mobilisés pour elle.

Elle les exhorte à continuer le combat,expliquant que l'abolition de 1981 ne devrait constituer que le premier pas de ce combat qui est devenu mondial.

Il faut notamment poursuivre l'écriture de lettres aux condamnés à mort,encore et encore: "Ca m'a sauvé la vie.

L'espoir n'a pas de prix.

Faire passer ce message est mon devoir envers les prisonniers du monde entier."

"Qui va me rendre ces cinq ans et demi?"

Son procès en appel débute en juin 1999.

Le jugement rendu,concluant à son innocence,laisse une question en suspend : "Evidemment, je me suis tout de suite évanouie.

Puis j'ai pensé : qui va me rendre ces 5 ans et demi?"

Alors depuis,Antoinette Chahine tente de rattraper le temps perdu.

Elle s'est mariée à "un homme exceptionnel",a mis au monde deux enfants,et poursuit son rêve de monter une association pour la réinsertion des prisonniers.

Cette militante énergique est retournée vivre au Liban à la fin de ses études à Paris.

Elle combat sans relâche la peine de mort partout dans le monde,arguant que "la situation n'est pas plus urgente dans un pays que dans un autre.

L'urgence,c'est la date prévue de la prochaine exécution,où qu'elle ait lieue."

Dans les années à venir,Antoinette Chahine compte tout mettre en oeuvre afin de gagner le combat de sa vie.

Déjà,Au Liban,le ministre de la justice Ibrahim Najjar s'est déclaré favorable à l'abolition de la peine de mort,ce qui constitue "un réel espoir,tangible,enfin!"

Elle souhaite continuer de travailler avec ECPM,qu'elle a tenu à venir personnellement féliciter à l'occasion de leur dixième anniversaire.

"En espérant qu'un jour prochain,la peine de mort soit enfin abolie partout."

Dès ce jour-là,Antoinette Chahine n'aura que la fête des mères en tête le 21 mars.