Sophie Rostopchine,
comtesse de Ségur, née Sofia Fiodorovna Rostoptchinar néle 1er août 1799 à Saint-Pétersbourg et morte le 9 février 1874 à Paris
D’une famille
de lointaine origine mongole, son père le comte Fédor Rostoptchine (1763-1826) fut lieutenant-général puis ministre des Affaires étrangères
de Paul Ier.
En 1812 il est gouverneur
de Moscou lors
de l’entrée
de la Grande Armée. Malgré l’opposition des propriétaires des plus belles demeures, il aurait organisé le grand incendie qui obligea Napoléon à une retraite désastreuse. Malgré la réussite
de ce plan, ceux qui ont perdu leur habitation le mettent dans une situation si inconfortable qu’il préfère s’exiler en Pologne en 1814, puis en Allemagne et en Italie et enfin en France en 1817.
C'est là que Sophie qui, avec sa mère (qui connaissait Joseph
de Maistre), s’est convertie au catholicisme à Moscou, rencontre Eugène
de Ségur (petit-fils du maréchal
de Ségur, et dont le père, aide
de camp
de Napoléon, avait failli mourir dans l'incendie ordonné par le comte Fédor Rostoptchine) qu’elle épouse le 14 juillet 1819.
Son mariage est malheureux, car elle est délaissée par un époux volage, désargenté et désœuvré jusqu’en 1830 où il sera nommé pair
de France. Eugène ne rend visite à sa femme, dans son château des Nouettes, à Aube près
de L'Aigle dans l’Orne, qu'à
de rares occasions.
Ils ont ensemble huit enfants.
On raconte qu’il l’avait surnommée « la mère Gigogne ».
Polyglotte, parlant cinq langues depuis l’âge
de six ans, Sophie Rostopchine a souvent présenté un comportement hystérique avec crises
de nerfs et longues périodes
de mutisme, l’obligeant à correspondre avec son entourage à l’aide
de sa célèbre ardoise.
Elle est enterrée à Pluneret dans le Morbihan.
Le cas
de la
comtesse de Ségur montre qu’une vocation très tardive d’écrivain peut être particulièrement réussie : elle a en effet écrit son premier livre à cinquante-huit ans.
On raconte que la
comtesse de Ségur a commencé à se consacrer à la littérature pour enfants quand elle a écrit les contes qu’elle racontait à ses petits-enfants et qu’elle les a regroupés pour former ce qui s’appelle aujourd’hui Les nouveaux contes
de fées.
Lors d’une réception, elle lut quelques passages à Louis Veuillot pour calmer l’atmosphère qui était devenue tendue.
C’est ce dernier qui réussira à faire publier l’œuvre chez Hachette.
Les romans
de la
comtesse de Ségur furent publiés entre 1857 et 1872 dans la Bibliothèque rose illustrée chez Hachette.
Ils ont été réunis en 1990 sous le titre Œuvres
de la
comtesse de Ségur dans la collection « Bouquins » chez l’éditeur Robert Laffont. Même si le thème récurrent des châtiments corporels (Un bon petit diable, le Général Dourakine, les Malheurs
de Sophie…) qui fait peut-être en partie écho à sa propre enfance malheureuse avec sa mère Catherine Protassov a souvent été présenté comme l’aspect
de cette œuvre à avoir le moins bien vieilli, il s’agit en réalité bien plus d’une rupture avec les modèles
de la littérature enfantine
de l’époque avec une rédemption d’autant plus exemplaire que le réalisme
de la représentation a été sans complaisance.
Plusieurs autres thèmes ou faits peuvent sembler désuets par rapport à la vie des Français d’aujourd’hui : par exemple, le vouvoiement des parents, le rôle des domestiques, et les traitements médicaux tels que l’usage abusif
de sangsues, des saignées, des cataplasmes « saupoudrés
de camphre » (Les Petites Filles modèles), l’eau
de gomme fraîche, l’eau salée contre la rage, et ainsi
de suite.
Mais c’est peut-être ce réalisme dans la représentation du quotidien et
de ses détails qui valut à la
comtesse de Ségur d’être appelée le Balzac des enfants par Marcelle Tinayre
La
comtesse de Ségur a donné à plusieurs
de ses personnages des noms appartenant à des personnes
de son entourage
Sophie : son propre prénom.
Elle est un personnage espiègle, avide d'expériences allant à l'encontre des directives des adultes (marcher dans
de la chaux vive; se raser les sourcils; utiliser un fer à friser chaud sur les cheveux
de sa poupée et sur ses propres cheveux; libérer un bouvreuil qui se fera dévorer...)
Les histoires traitant
de la vie
de Sophie à partir du voyage en Amérique sont beaucoup plus douloureuses pour elle (perte
de sa mère puis
de son père qui s'était remariée à une mégère tyrannique adepte des sévices corporels, retour en France où Sophie est désabusée, à la fois très craintive et courageuse)
La
Comtesse s’identifie évidemment beaucoup à son personnage.
Camille et Madeleine : deux
de ses petites-filles nommées Camille et Madeleine
de Malaret.
Paul: son gendre, le père des petites filles modèles, le baron Paul
de Malaret.
Élisabeth : Élisabeth Fresneau était une autre petite-fille
de la
comtesse.
C’est la cécité contractée par son fils aîné Louis-Gaston
de Ségur, ecclésiastique, qui lui inspire l’aveugle Juliette dans Un bon petit diable
Les prénoms ou noms des personnages permettent
de suite
de savoir quel sera le comportement qu’adopteront ces derniers.
Des noms « propres » ou nobles pour les « gentils » :
de Réan dans Les Malheurs
de Sophie, Bonard dans Le Mauvais Génie, d’Orvillet dans Diloy le chemineau, etc.
Des noms ridicules pour les « sans-éducation » ou tangents : Tourne-boule dans Les Vacances, Innocent et Simplicie ainsi que Courte-miche dans Les Deux Nigauds, Dourakine dans l'auberge
de l'ange gardien et Le général Dourakine (en russe : дурак (dourak) signifie imbécile) etc.
Des noms à connotations négatives pour les « méchants » : le groupe Gredinet, Fourbillon, Gueusard et Renardot dans Le Mauvais Génie, etc.
Les romans
de la
comtesse de Ségur sont fortement moralisateurs.
Le juste et l’injuste s’opposent pour bien faire comprendre ce qu’est le droit chemin et combien il est dans l’intérêt
de tous d’être courageux, doux et sans mauvaises intentions.
Dans les romans
de la
comtesse de Ségur, l’éducation est un facteur déterminant dans l’évolution
de l’individu.
Les mauvaises influences et un environnement répressif peuvent pousser les enfants à être méchants.
Trop
de laxisme et d’indulgence les rendent égoïstes et vicieux.
Les romans opposent des exemples
de ce qu’il faut faire et
de ce qu’il ne faut pas faire.
Les titres expriment d’ailleurs cette dualité : par exemple, Jean qui grogne et Jean qui rit.
L’auteur oppose souvent un personnage exemplaire à un enfant qui se cherche : les petites filles exemplaires que sont Camille et Madeleine à la malheureuse Sophie dans Les Petites Filles modèles, Blaise à Jules dans Pauvre Blaise et Juliette à Charles dans Un bon petit diable.
Dans certains cas, le jeune héros commet des fautes qui résultent d’une éducation répressive et brutale, la violence et l’injustice que vit Charles avec Mac’Miche, ou Sophie, dans Les Petites Filles modèles qui se fait maltraiter par sa marâtre Mme Fichini.
Dans d’autres cas, ce sont les parents qui gâtent et ne punissent jamais leurs enfants, ou qui prennent systématiquement leur défense, quel que soit leur comportement, comme les parents
de Jules dans Pauvre Blaise ou
de Gisèle dans Quel amour d’enfant !
Chez les enfants, rien n’est joué définitivement.
Charles (Un bon petit Diable) et Sophie (Les petites filles modèles), une fois soustraits à la brutalité
de leur environnement, pourront s’appuyer sur les modèles
de leur entourage pour s’améliorer.
En revanche il est parfois trop tard pour certains, qui deviennent alors ces adultes méchants et puérils qui feront à leur tour le malheur
de leurs enfants (les parents
de Christine dans François le bossu).
Mme Fichini, dans les Vacances et les Petites Filles modèles, bat Sophie sans pitié, et, même en présence des adultes, se ridiculise par trop
de coquetterie, par sa gourmandise et par tous les défauts dont elle aurait dû se débarrasser étant enfant.
Plus que
de simples romans à influence autobiographique, la
Comtesse de Ségur a fortement influencé une nouvelle idée
de la pédagogie.
En effet, les châtiments corporels deviennent, avec ces écrits, un réel moyen d'éducation et une pratique courante dans les familles qui auparavant étaient plus influencées par les jugements religieux pour l'éducation des enfants.
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de Sophie
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