Une légende veut que l’origine du 8 mars remonte à une manifestation d’ouvrières américaines du textile en 1857, événement qui n’a en réalité jamais eu lieu.
Il s'agit sûrement d'un clin d’œil des féministes américaines qui, dans les années 1950, veulent à la fois intégrer cette journée dans le contexte américain et rendre un hommage à Clara Zetkin, 1857 étant son année de naissance.
L’origine de cette journée s’ancre bel et bien dans les luttes ouvrières et les nombreuses manifestations de femmes réclamant le droit de vote, de meilleures conditions de travail et l’égalité entre les hommes et les femmes, qui agitèrent l’Europe, au début du XXe siècle.
Une naissance dans la mouvance révolutionnaire et socialiste
En 1910, à Copenhague, lors de la deuxième conférence de l'Internationale socialiste des femmes, l'idée d'une « Journée internationale des femmes » est adoptée, sur une proposition de Clara Zetkin, représentante du Parti socialiste d'Allemagne.
Cette journée mondiale de manifestations s’inscrivait alors dans une perspective socialiste, internationaliste et révolutionnaire.
Dès 1911, des manifestations sont organisées en Autriche-Hongrie, au Danemark, en Suisse, en Allemagne, puis les années suivantes en France, aux Pays-Bas, en Russie et en Suède.
En mars 1911, un million de femmes manifestent en Europe.
Le 8 mars 1913, des femmes russes organisent des rassemblements.
Le 8 mars 1914, les femmes réclament le droit de vote en Allemagne.
Le 8 mars 1915, à Oslo, des femmes défendent leurs droits et réclament la paix.
En Russie, la révolution de Février commence le 8 mars 1917 (le 23 février du calendrier julien alors en vigueur).
À Saint-Pétersbourg, des ouvrières manifestent contre la vie chère : le pain d'un demi kilo est passé de trois kopeks en 1913 à dix-huit kopeks[2]. Pacifistes, elle réclament aussi le retour de leurs maris partis au front. Les événements s’enchainant, le tsar Nicolas II abdique une semaine après, le 15 mars.
Poster soviétique de 1932.
Le slogan dit : « À bas l’oppression du matérialisme petit-bourgeoise et du travail à la maison ! »
Ce qui aurait pu être le « quatorze juillet russe » et une commémoration de la Révolution, est décrété, le 8 mars 1921, Lénine décrète le 8 mars Journée des droits des femmes.
Lénine est contre le « féminisme » qu’il considère comme une survivance de la bourgeoisie, mais il ne cesse de rappeler l’égalité des hommes et des femmes, comme condition nécessaire du projet communiste.
Ce qui est visé par le léninisme, n’est pas l’émancipation d’un groupe d’individus mais celle de toutes et de tous sans conditions et sans distinction de sexe, de race ou de condition sociale.
En 1924, la journée est célébrée en Chine.
En 1946, les pays de l'Est qui viennent de passer sous la coupe soviétique célèbrent la journée des droits des femmes.
La « greffe » de cette commémoration russe passe souvent par la propagande.
La radio tchécoslovaque décrit alors, avec emphase, pour les citoyens tchécoslovaques, à quoi ressemble la journée des droits des femmes à Moscou : « des avions apportent quotidiennement du mimosa, des violettes et des roses du Caucase et de Crimée […].
Les usines ont réservé des théâtres entiers uniquement pour leurs ouvrières. Les femmes sont des millions et des millions d’hommes, de pères, d’amants et de collègues de travail les couvrent de fleurs littéralement parce que la femme socialiste célèbre aujourd’hui sa fête, la fête de son émancipation. »
Internationalisation et officialisation à l’Ouest
En Occident, c’est une autre image de la femme et une autre façon de la célébrer qui a la cote : la fête des Mères y est le pendant « bourgeois » (pour utiliser un adjectif péjoratif utilisé entre autres par les communistes) de la journée internationale des droits des femmes.
Elle nait à peu près en même temps, pour être adoptée aux États-Unis en 1908, en Angleterre en 1914, en France en 1929.
C’est à l’aune de la guerre froide idéologique entre l'Est communiste et l’Ouest libéral qu’il faut voir la réappropriation américaine - qui date des années 1950 - du début historique de la journée des droits des femmes qui traverse opportunément l'Atlantique et gagne en antériorité pour désormais trouver sa source dans une grève à New York en 1857.
Le 8 mars 1947, Léon Blum salue la place importante des femmes dans la Résistance.
Dans les années 1960, les avancées du féminisme et la révolution sexuelle aidant, l’image des femmes change à l’Ouest, la journée de Droits des Femmes plutôt que celle de la Mère fait son chemin et rend largement acceptable, en dehors de la sphère communiste, la célébration de l’égalité des droits hommes-femmes.
En 1971, La journée est célébrée au Québec.
Le 8 mars 1977, l’Organisation des Nations unies officialise la Journée Internationale des Droits des Femmes.
Le 8 mars 1982, le gouvernement socialiste de François Mitterrand donne un statut officiel à la journée en France.