Ce sont des violences insidieuses, bien plus invisibles encore que les bleus cachés sous une épaisse couche de fond de teint.
Des insultes, des humiliations, des menaces, de l’intimidation, du mépris… dont sont victimes des milliers de femmes et parfois quelques hommes dans le huis clos insoupçonnable du couple.
Le Premier ministre, François Fillon, lui-même l’a promis le 25 novembre dernier, à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes : les violences psychologiques au sein du couple seront enfin reconnues et punies en 2010.
La proposition de loi a même été déposée par le député UMP Guy Geffroy, qui pourrait aboutir au printemps à la création d’un délit de « harcèlement moral dans la sphère privée », comme il en existe depuis 2002 dans la sphère professionnelle.
« On va enfin nommer le calvaire que vivent ces femmes, dont certaines ne sont même plus conscientes de subir un traitement intolérable, tellement elles sont moralement maltraitées », se félicite M e Yaël Mellul, l’une des avocates qui se battent pour faire reconnaître et définir ce délit, d’ailleurs auditionnée par la mission parlementaire qui a conduit à cette proposition de loi.
Quelles preuves pour la justice ?
« Comme il ne peut pas y avoir de violences physiques sans violences psychologiques en amont, les condamner sera aussi une manière de prévenir l’escalade vers les coups », assure-t-elle.
Certes, la définition précise de ces violences psychologiques devrait susciter des débats, la justice s’appuyant sur le droit davantage que sur les faits.
Les femmes ont déjà du mal à prouver la réalité d’une gifle, comment démontrer une destruction morale permanente, souvent sur plusieurs années, par un « manipulateur pervers » dont le propre est d’être souvent charmant en société ?
Beaucoup de magistrats sont sceptiques sur la possibilité d’évaluer la nature de relations par définition aussi privées. Faudra-t-il conserver les textos incendiaires, enregistrer les insultes verbales, consigner les attestations des voisins et amis, les expertises médicales ?
Sans doute.
« Et convaincre, assure M e Laurent Hincker, un avocat qui suit actuellement une centaine de dossiers à travers la France, que les divorces amiables, la garde alternée ou la médiation familiale ne sont pas possibles dans ces cas-là. » Autrement dit… aller contre le sens du vent.
« Ça sera long, estime ce spécialiste. Il faut que les gens soient informés, et les professionnels formés. Aujourd’hui une femme qui subit du harcèlement psychologique est reçue dans un commissariat comme l’était une femme qui se faisait taper dessus dans les années 1980… Avec perplexité et embarras. Quand un délit existera, la loi pèsera. Et la prise de conscience commencera. »