L'insuffisance cardiaque ou quand le cœur fatigue

L'insuffisance cardiaque est une pathologie au cours de laquelle le cœur n'arrive plus à assumer ses fonctions de pompage


Quand le cœur lâche...

n dit qu'il peut se briser en mille morceaux, qu'il a ses raisons que la raison ne connaît pas ou encore qu'on l'a sur la main. Emprunt d'une histoire et d'une mythologie vieilles comme l'Humanité, le cœur a toujours représenté le siège de nos émotions et de nos sentiments.
Mais c'est aussi et surtout un moteur essentiel pour notre organisme sans qui nous ne serions que peu de choses.

Comment ça marche le cœur ?

Puissant organe pas plus grand que la taille d'un poing fermé, le cœur est composé de deux pompes coordonnées (le cœur droit et le cœur gauche) qui assurent la circulation du sang dans tout l'organisme.
Il faut également savoir qu'il existe un circuit fermé entre les poumons et le sang : le cœur se charge de redistribuer le sang oxygéné, en provenance des poumons, au reste du corps et d'envoyer le sang appauvri en oxygène aux poumons.
Le cœur droit et le cœur gauche sont eux-mêmes divisés en 2 compartiments : l'oreillette et le ventricule.
Ce sont les contractions cardiaques qui permettent de propulser le sang à travers l'immense réseau vasculaire de l'organisme.

Chaque contraction cardiaque (il y en a plus de 3 milliards au cours d'une vie) se déroule en 2 phases :
Première phase : la diastole. Durant cette phase, le cœur se relâche et se remplit de sang.
Deuxième phase : la systole. Là, le cœur se contracte et chasse le sang dans la circulation générale.
L'ensemble du cycle n'excède pas 1 seconde.

En cas d'insuffisance cardiaque, cette mécanique bien huilée s'affole et le cœur n'arrive plus à assumer son rôle. L'insuffisance se définit comme étant une affection où le cœur pompe le sang de façon trop faible, causant une importante diminution du débit cardiaque et une congestion du retour veineux vers le cœur et les poumons.
On distingue plusieurs types d'insuffisance selon le côté du cœur touché, droit ou gauche, et selon la phase de la contraction cardiaque qui est affectée, diastolique ou systolique.
Les causes, les traitements et les symptômes diffèrent en fonction de la forme d'insuffisance.
De manière générale, l'insuffisance cardiaque est une complication de pathologies ou de dysfonctionnements préexistants. Bien qu'elle puisse survenir chez de jeunes sujets, l'insuffisance cardiaque est beaucoup plus fréquente chez les personnes âgées.
D'une part parce qu'elles sont davantage susceptibles de développer des maladies cardiaques et d'autre part parce les modifications liées au vieillissement altèrent la capacité de pompage du cœur.
En France, environ 500 000 personnes souffrent d'insuffisance cardiaque et on décèle environ 100 000 nouveaux cas chaque année.





Les symptômes les plus fréquents

Selon la phase du cycle de la contraction cardiaque touchée, la diastole ou la systole, on parlera soit d'insuffisance cardiaque diastolique soit systolique.
Les symptômes, quant à eux, diffèrent très peu d'une forme à l'autre, ils dépendent surtout du côté du cœur qui est affecté.

Insuffisance cardiaque systolique C'est la forme d'insuffisance cardiaque la plus fréquente. Ici, le cœur se contracte moins et n'arrive pas à renvoyer dans la circulation la quantité de sang reçue comme il le fait lorsqu'il fonctionne normalement. Par conséquent, le sang reste dans les cavités cardiaques inférieures et s'accumule ensuite dans les veines. Les maladies des artères coronaires, myocardite, tachycardie, infarctus du myocarde par exemple, sont une cause fréquente d'insuffisance cardiaque systolique. Généralement, ces maladies coronaires sont la résultante d'une accumulation de facteurs de risques cardiovasculaires : hypercholestérolémie, diabète de type 2, tabagisme, etc.
Par ailleurs, l'insuffisance cardiaque systolique, du fait même de ses causes, s'observe plus souvent chez des sujets jeunes, c'est-à-dire âgés de moins de 60 ans.

Insuffisance cardiaque diastoliqueDans ce cas de figure, le cœur reste contracté et ne se relâche pas normalement après la contraction. Bien qu'il soit en mesure d'expulser une quantité normale de sang hors de ventricules, sa contraction ne permet pas un remplissage normal de ses cavités par les veines. Comme dans l'insuffisance systolique, le sang qui est ramené au cœur s'accumule dans les veines. Les principaux facteurs de risque de l'insuffisance cardiaque diastolique sont l'hypertension artérielle et l'âge (les deux allant souvent de pair). Ainsi, il n'est pas étonnant que cette forme d'insuffisance soit prédominante chez des sujets âgés.

Pour schématiser, l'insuffisance cardiaque systolique est la conséquence d'un cœur très dilaté et l'insuffisance cardiaque diastolique est au contraire la résultante d'un cœur trop rigide.
Ainsi, chez les sujets jeunes, c'est-à-dire âgés de moins de 60 ans, les hommes sont plus touchés que les femmes alors que c'est l'inverse chez les sujets âgés.
Si les causes, l'épidémiologie et les traitements diffèrent d'un cas à l'autre, les symptômes sont sensiblement les mêmes dans les deux formes d'insuffisance.
"L'une des manifestations la plus fréquente de l'insuffisance, qu'elle soit systolique ou diastolique, est la difficulté respiratoire qu'éprouvent les patients. C'est d'ailleurs l'un des signes qui alertent, note le Pr Blacher, chef de service du Centre de diagnostic et de thérapeutique de l'Hotel-Dieu de Paris. Les patients ont plus de mal à faire des efforts que précédemment. Par exemple, quelqu'un qui pouvait monter 4 étages à pied sans pause ne pourra plus, en cas d'insuffisance, qu'en monter 2 d'affilée. Il arrive également assez souvent que les chevilles enflent."

Trois examens pour le diagnostic


En plus de pouvoir être soit diastolique, soit systolique, l'insuffisance cardiaque peut être située soit du côté gauche du cœur, soit du côté droit ou encore toucher les deux côtés.
Cette latéralisation a son importance, notamment sur les symptômes exprimés par le patient.

L'insuffisance cardiaque gauche provoque essentiellement une gêne respiratoire qui, au début, ne s'observe que pendant ou après un effort physique.
Puis, au fur et à mesure, elle s'amplifie et persiste, même au repos.
Le malade peut également être réveillé la nuit par une crise d'œdème aigu pulmonaire (inondation des poumons par du plasma sanguin) avec gêne respiratoire aiguë, respiration bruyante, sueurs, et expectoration mousseuse.
Ce genre de crise nécessite un traitement d'urgence.

L'insuffisance cardiaque droite, quant à elle, crée une hyperpression dans le système veineux, responsable de la dilatation des veines jugulaires au niveau de cou, d'une augmentation du volume du foie, d'œdèmes des chevilles et des jambes et, parfois, de gêne abdominale accompagnée de troubles digestifs.

"Mais ça n'est pas tant la localisation de l'insuffisance qui importe mais plus la forme, systolique ou diastolique, car les traitements ne seront pas les mêmes dans un cas ou dans l'autre", note le Pr Blacher.

Le diagnostic

Du mal à respirer, les chevilles qui enflent ?

Lors de votre consultation chez le médecin, ne manquez pas de lui signaler vos symptômes ou ce qui a changé pour vous dernièrement.
"Trois examens nous permettent de poser le diagnostic de l'insuffisance cardiaque", précise le Pr Blacher. Un examen au stéthoscope pour écouter le cœur du patient dans un premier temps. Un électrocardiogramme permet quant à lui de déterminer si le rythme cardiaque du patient est normal, si les parois des ventricules sont épaissies et si le sujet a eu un infarctus du myocarde. Enfin, une échographie cardiaque ou échocardiographie permet d'évaluer les fonctions cardiaques, notamment la contractilité et le fonctionnement des valvules cardiaques (petites valves laissant le sang s'écouler entre les deux cavités cardiaque, oreillette et ventricule). Cet examen permet notamment de déterminer l'origine, diastolique ou systolique, de l'insuffisance.
Par ailleurs, il est d'usage de chercher à déterminer les causes même de l'insuffisance lorsque cela est possible.


Quand le cœur vieillit.

Actuellement, les experts notent une modification de l'épidémiologie des maladies cardiovasculaires. "On observe une diminution du nombre d'infarctus et du nombre d'AVC. Parallèlement à cela, nous nous trouvons actuellement dans une phase de transition épidémiologique : en effet, il a y de plus en plus de personnes atteintes de maladies cardiovasculaires terminales comme les insuffisances cardiaques et rénales. On vieillit avec et, du coup, de plus en plus de décès sont dus à des maladies cardiaques dégénératives telles que l'insuffisance"(1).

Mais il faut bien noter que la forme la plus fréquente d'insuffisance, à savoir la systolique, touche plus particulièrement des sujets jeunes, c'est-à-dire de moins de 60 ans. L'âge n'est donc pas le facteur de risque prédominant.
Néanmoins, pour ce qui concerne la forme diastolique, l'âge est un facteur de risque certain. En effet, lors du processus de vieillissement, les parois du cœur ont tendance à devenir rigides. Ainsi, l'association d'une hypertension (fréquente chez les personnes âgées) et d'un raidissement cardiaque dû à l'âge favorisent l'insuffisance cardiaque diastolique.
De ce côté, la prévention est difficile à mettre en place puisqu'il n'est pas vraiment possible de ralentir la marche inéluctable du temps.
Seulement, avec une bonne hygiène de vie, une alimentation saine et équilibrée et de l'exercice physique, il est possible de garder un cœur en pleine forme !


L'hypertension, un facteur de risque


'hypertension artérielle est une maladie de grande ampleur. Elle touche une proportion plus qu'importante de la population française. Aujourd'hui, environ 14 millions de Français en souffrent, soit environ une personne sur 6 !
Les complications de l'hypertension artérielle sont nombreuses (maux de tête, pathologies rénales, accident vasculaire cérébral, etc.) et parmi elles, l'insuffisance cardiaque n'est pas la moindre. C'est d'ailleurs, avec l'âge, le facteur de risque principal de développer une insuffisance cardiaque diastolique. Ainsi, pour traiter les personnes souffrant d'insuffisance diastolique, il faut avant tout tenter de juguler l'hypertension artérielle.
Par ailleurs, l'hypertension artérielle est un facteur de risque de maladies coronariennes pouvant évoluer en insuffisance cardiaque systolique, qui touche donc majoritairement les sujets un peu plus jeunes et masculins.
Le traitement de l'insuffisance cardiaque passe par celui de l'hypertension artérielle, qui associe une bonne hygiène de vie à des remèdes médicamenteux. Par exemple, n'oubliez jamais de goûter vos plats avant de les saler ! "La meilleure façon de prévenir l'insuffisance des sujets âgée est de renforcer la prévention de l'hypertension artérielle. C'est un domaine dans lequel nous avons beaucoup d'espoir"


Tabac, cholestérol : les autres ennemis du cœur

"Aujourd'hui, on sait que c'est par le traitement des risques cardiovasculaires que passe la prévention de l'insuffisance cardiaque" insiste le Pr Blacher.
Ainsi, la meilleure façon de réduire les risques d'être atteint d'insuffisance est de lutter contre l'hypertension, l'hypercholestérolémie, le diabète, etc.
Car ces facteurs de risques favorisent les maladies coronariennes qui peuvent évoluer en insuffisance cardiaque chronique.
Les données épidémiologiques montrent qu'il y a plus d'hommes atteints par des maladies coronariennes et par conséquence d'insuffisance cardiaque diastolique que les femmes. Pourquoi ? Le Pr Blacher apporte un élément de réponse. "Les maladies coronariennes, provoquées par le tabagisme, le cholestérol, le surpoids, le diabète sont plus fréquentes chez les hommes que chez les femmes. Ces dernières sont généralement plus soucieuses de leur santé et de leur image et c'est pourquoi elles ont généralement tendance à mieux manger, à moins boire et moins fumer que les hommes".
Surveiller son taux de cholestérol, sa glycémie, sa tension sont des gestes aussi simples que salvateurs pour la santé future.
Par ailleurs, il faut être particulièrement vigilant après un infarctus du myocarde, car dans un cas sur deux, il se complique par une insuffisance cardiaque.
Ainsi, comme le dit si bien le vieil adage, mieux vaut prévenir que guérir. Et la prévention passe avant tout par une hygiène de vie saine et un suivi médical régulier afin de déceler et traiter au plus vite toute anomalie.


Des traitements pour en guérir

L'intérêt d'un diagnostic précoce réside dans la possibilité, d'une part de juguler les symptômes associés et d'offrir une meilleure qualité de vie au patient grâce à des traitements adaptés et d'autre part de limiter la survenue de complications majeures comme l'arrêt cardiaque et dans les pires des cas, le décès.
Traiter l'insuffisance cardiaque revient plus ou moins à traiter la cause, que ce soit l'hypertension artérielle, l'hypercholestérolémie ou encore le diabète de type 2.
Selon le Pr Blacher, "l'insuffisance cardiaque est de mieux en mieux prise en charge ce qui permet une diminution notable des crises aiguës.
Aujourd'hui, on soigne très bien l'insuffisance cardiaque systolique car il y a de nombreux médicaments qui ont démontré leur efficacité pour stopper l'évolution des symptômes."

Pour cela, il y a deux classes majeures de médicaments :
Les inhibiteurs des enzymes de conversion.
Les bêtabloquants.

Par contre, les traitements de l'insuffisance cardiaque diastolique sont pour l'instant beaucoup moins efficaces.
"Les antagonistes aux récepteurs de l'angiotensine de type 2 ont pu démontrer leur intérêt mais il y a moins d'essais réalisés car les sujets sur lesquels on peut les tester sont généralement très âgés et il est donc plus difficile de mettre en évidence l'action de ces médicaments" .
Est-il possible de se débarasser pour de bon de son insuffisance cardiaque ? "Oui,, lorsque l'on trouve une cause bien determinée à l'insuffisance, mais c'est rarement le cas.
Dans ces cas-là, les traitements ont une chance de venir à bout de l'insuffisance."


Une bonne hygiène de vie, pour prévenir et guérir

En plus des traitements médicamenteux que votre cardiologue vous proposera, il ne saurait trop vous conseiller de revoir, le cas échéant, quelques règles basiques d'hygiène de vie.
"A mon sens, il ne faut pas nécessairement privilégier la solution médicamenteuse dans le traitement de l'insuffisance",
Il existe également des mesures non médicamenteuses à mettre en place pour retarder l'évolution des symptômes.

Cela passe notamment par quelques gestes simples :

Diminuer sa prise de sel (pour lutter contre l'hypertension).
Perdre du poids si surpoids il y a car cela permet d'améliorer le travail du cœur.
Pratiquer une activité physique adaptée aux capacités respiratoires du patient. En effet, plus les patients sont actifs, plus l'évolution est retardée.
L'insuffisance est une maladie grave qui doit être prise en charge le plus tôt possible. En l'absence de traitement, l'espérance de vie d'une personne atteinte de d'insuffisance est limitée, d'où l'interêt d'un traitement précoce qui permet de retarder l'issue fatale.
Par ailleurs, l'insuffisance cardiaque peut se compliquer de maladies associées comme les phlébites et les embolies pulmonaires.
Mais surtout, le traitement a pour objectif de diminuer autant que faire se peut les poussées d'insuffisance durant lesquelles le patient ressent soudainement, et pour une durée limitée, un essoufflement difficile à vivre.