La pomme de terre ou patate (langage familier, québécisme et français régional) est un tubercule produit par l'espèce Solanum tuberosum, appartenant à la famille des Solanacées. Il s'agit d'un des légumes les plus consommés dans les Amériques et en Europe. Outre ses vertus alimentaires, la pomme de terre est largement utilisée dans l'industrie, sa fécule ayant de multiples destinations. Pomme de terre (expression figée qui constitue un nom composé) désigne aussi la plante elle-même. Il semble que l'appellation pomme de terre ait été utilisée pour la première fois en 1762 par le botaniste Henri Louis Duhamel du Monceau.
HistoireSeuls les habitants des Andes péruviennes connaissaient la pomme de terre (binche), appelée papa en quechua. Ils la cultivaient près de 1000 ans avant J.-C. La première description connue date de 1533, que l'on doit à Pedro de Cieza de León dans sa Chronique du Pérou.
Introduite en Espagne en 1534, elle est cultivée par des moines de Séville en 1573 pour nourrir des personnes malades, également sous le nom de papa.
En deux siècles, la pomme de terre va conquérir l'Europe : d'abord en Espagne où elle prendra le nom de patata, puis l'Italie taratouffli (petite truffe), l'Irlande potato, l'Allemagne puis la France.
Elle est introduite en France vers 1540 et cultivée à Saint-Alban-d'Ay (il s'agissait là de la variété dite « Truffole »). Elle est figurée pour la première fois par Gaspard Bauhin dans Pinax Theatri Botanici de 1596.
Elle est décrite en 1600 par Olivier de Serres, qui la nomme cartoufle et déclare à son sujet : « Cet arbuste dit cartoufle porte fruict de mesme nom, semblable a truffes. »
Tandis qu'en Italie, Allemagne, Pologne et Russie on mangeait déjà la pomme de terre, en France elle ne fut utilisée que pour nourrir le bétail pendant plus de deux siècles.
Les Anglais avaient de leur côté découvert le tubercule en 1586, au retour d'une campagne contre les Espagnols dans l'actuelle Colombie.
Propagée aussi bien par les Anglais que par les Espagnols, la pomme de terre gagne le reste de l'Europe, et les nombreuses disettes du XVIIIe siècle vont encourager sa consommation par les Européens, l'Allemagne figurant au rang des précurseurs.
Concernant la France, en 1757 elle fut cultivée en Bretagne, alors en période de disette, dans la région de Rennes par Louis René de Caradeuc de La Chalotais, bientôt suivi dans le Léon par monseigneur de la Marche, surnommé « l'évêque des patates » (eskob ar patatez).
Mais c'est surtout Antoine Parmentier, de retour d'un séjour en captivité en Prusse, qui fait la promotion de la pomme de terre comme aliment humain et réussit à développer son usage dans toutes les couches de la société française.
Il avait été capturé par les Prussiens pendant la guerre de Sept Ans (1756-1763) et avait découvert à cette occasion la pomme de terre, principale nourriture fournie aux prisonniers.
À la suite d'une terrible disette survenue en 1769, l'académie de Besançon lance en 1771 un concours sur le thème suivant : « Indiquez les végétaux qui pourraient suppléer en cas de disette à ceux que l'on emploie communément à la nourriture des hommes, et quelle en devrait être la préparation. »
Parmentier remporte le premier prix, devant d'autres concurrents qui avaient eux aussi rédigé un mémoire sur la pomme de terre, preuve que l'usage de ce tubercule était vraiment à l'ordre du jour. Il faut noter plus d'UN siècle avant Parmentier, grâce à Jean Bauhin (1541-1612) et frère de Gaspard Bauhin, directeur des "Grands-Jardin" de Montbéliard, la patate était consommée pour pallier la famine qui sévissait dans le Comté de Montbéliard indépendant et devenu français en 1793.
Par la suite, Parmentier réussit à obtenir l'appui des autorités pour inciter la population à consommer des pommes de terre. Il fait notamment usage d'un stratagème resté célèbre : il fait monter une garde (légère) autour d'un champ de pommes de terre, donnant ainsi l'impression aux riverains qu'il s'agit d'une culture rare et chère, destinée au seul usage des nobles.
Certains volent des tubercules, les cuisinent et les apprécient. Le roi Louis XVI le félicite en ces termes : La France vous remerciera un jour d'avoir inventé le pain des pauvres. Leur emploi dans la cuisine populaire se développe alors très rapidement.
À la fin du XVIIIe siècle, 45 km² étaient consacrés en France à la culture de la pomme de terre. Un siècle plus tard, en 1892, cette surface était passée à 14 500 km², chiffre considérable dont il faut cependant souligner qu'il a nettement baissé par la suite. Actuellement, la production de pommes de terre n'occupe plus que 1 800 km², d'une part parce que la consommation humaine a fortement diminué, de l'autre parce que la consommation animale a disparu.
Dans le monde, la production annuelle est d'environ 300 millions de tonnes, pour une surface cultivée supérieure à 200 000 km².
Peu avant la Révolution, l'agronome Jean Chanorier développe cette culture sur ses terres de Croissy-sur-Seine.
Au XIXe siècle, la pomme de terre était devenue l'aliment prédominant chez les Irlandais.
L'épidémie de mildiou dans les années 1840 est à l'origine d'une grande famine et d'une importante émigration vers les États-Unis et le Canada.
Un des problèmes était la conservation des tubercules qu'il fallait notamment protéger contre le gel et la pourriture : on trouve dans le Bulletin de Lille, de Décembre 1915 une Recette de conservation des pommes de terre, qui selon le lecteur qui la communique, "a paru naguère dans une revue scientifique" " Emplir aux trois quarts d'eau un récipient (chaudron ou marmite assez spacieuse).
Faire chauffer l'eau et, quand elle est bouillante, remplir le récipient de pommes de terre.
Laisser bouillir le tout pendant une minute.
Passé ce temps, retirer les pommes de terre, les essuyer, et répéter l'opération jusqu’à complet épuisement des pommes de terre.
Les germes, se trouvant ainsi détruits, la fermentation n'est désormais plus possible.
Les pommes de terre, ainsi traitées, sont ensuite mises dans des paniers ou dans des sacs, et peuvent se conserver pendant environ deux ans".
Contre le gel qui donne aux pommes de terre un goût sucré désagréable, le même bulletin conseille de « Mettre les tubercules dans de l'eau froide que l'on fait chauffer.
Dès que l'eau commence à bouillir, l'enlever, elle emportera complètement avec elle le goût sucré en question.
On mettra ensuite les pommes de terre dans de l'eau froide et salée, que l'on fera bouillir à la manière ordinaire ».
L'Organisation des Nations unies a déclaré l'année 2008, l'année de la pomme de terre afin de « renforcer la prise de conscience du rôle clé de la pomme de terre, et de l'agriculture en général.»
Principales variétés cultivéesLe nombre de variétés de pommes de terre est considérable, il en existe au moins 3 000, la plupart n'étant cependant pas utilisées pour l'alimentation. Le mode de culture permet de distinguer deux catégories :
Les pommes de terre précoces, ou primeurs, cultivées en France dans les régions à hiver doux, notamment les côtes de Bretagne et d'Aquitaine ou le littoral méditerranéen. Plantées en hiver, elles sont récoltées trois mois plus tard, souvent avant d'avoir atteint leur maturité (pommes de terres dites nouvelles, dont la peau n'est pas encore entièrement formée).
Les pommes de terre de conservation, ou tardives, plantées en avril-mai, récoltées quatre ou cinq mois plus tard, produites un peu partout en France, notamment dans le Nord.
Une autre distinction peut se faire en fonction de la consistance de la chair :pommes de terre à chair ferme, à grain fin, de forme généralement oblongue, qui tiennent bien à la cuisson et sont appréciées pour leurs qualités gustatives (exemple : charlotte, ratte, amandine) ;
pommes de terre à grain moins fin, plus riches en fécule, dont la variété la plus connue est la bintje. Ces pommes de terre sont utilisées pour la confection de purées ou de frites, et pour la fabrication des produits transformés (chips, croquettes, frites surgelées, etc.)
On n'oubliera pas qu'une bonne partie de la production est destinée à la féculerie. On utilise bien sûr les variétés les plus riches en fécule, en principe des pommes de terre tardives, la plus connue étant Kaptah Vandel, d'origine danoise. Quant aux variétés alimentaires, les plus célèbres sont les suivantes :
Agata : variété récente créée aux Pays-Bas. Assez semblable à la bintje (voir ci-dessous), elle est un peu plus précoce. Elle est très vendue dans les grandes surfaces.
Ambo : variété « nouvelle ». Peau fine à yeux rouges, chair légèrement farineuse. Convient à bouillir ou à rôtir.
Balmoral : variété « tardive ». Chair farineuse.
Belle de Fontenay : l'une des plus anciennes variétés françaises, pomme de terre précoce d'une très grande qualité culinaire. Elle apprécie particulièrement les terres sablonneuses du Loiret, où elle a droit au label rouge.
BF 15 : obtenue en 1947 par l'INRA par croisement entre la Belle de Fontenay et la Flava, c'est aujourd'hui une variété encore cultivée, appréciée pour sa chair ferme et sa forte productivité.
Bintje : la plus cultivée de toutes les pommes de terre françaises, produite surtout dans le Nord, sa chair est farineuse. Convient pour bouillir, rôtir, frire, pour la salade, la soupe, le gratin et la purée.
Charlotte : variété qui a déjà 25 ans de forme très oblongue. Peau fine, chair ferme. Très productive et d'une excellente tenue à la cuisson. Convient à sauter mais pas à rôtir. C'est la variété à chair ferme la plus cultivée en France.
Chérie : peau rouge avec chair ferme et jaune. Excellente tenue à la cuisson. Issue d'un croisement avec la Roseval.
Coliban : peau lisse et claire, chair blanche et farineuse. Convient pour cuire au four, à la vapeur ou la purée. La chair tient mal.
Cwène di gâte : proche de la ratte du Touquet, elle est cultivée dans le Luxembourg belge, autour de Florenville ; elle est considérée par certains comme une des meilleures variétés au monde à consommer cuites à l'eau ou à la vapeur. Son rendement est faible, ce qui en fait son coût. Son nom en wallon se traduit par cornes de chèvres.
Delaware : peau crème et à la chair blanche. Convient pour rôtir, cuire au four, frire, pour les gratins mais pas pour la purée.
Désirée : peau lisse et rose, chair jaune. Convient pour bouillir, rôtir, cuire au four, la purée et les salades, mais pas pour les fritures.
Estima : chair non farineuse. Convient pour la salade et les ragoûts.
Franceline : variété « nouvelle ». Convient pour bouillir.
Fin de siècle : Très appréciée dans le Trégor, en Bretagne, où elle est considérée comme la crème de la crème des patates; elle y est la plupart du temps cultivée et vendue "au noir" car sa production n'est plus considèrée comme suffisamment rentable.
Jersey royal : très ancienne variété cultivée dans l'île de Jesey à rapprocher de Royale kydney. Peau fine, chair jaune foncé et parfumée. Convient pour bouillir.
King Edward : peau crème tachetée de rose, chair blanche. Convient pour frire, rôtir, bouillir ou pour la purée.
Kipfler : peau dorée, chair jaune non farineuse. Convient pour bouillir, sauter, cuire au four ou la salade.
Marfona : peau fine, chair non farineuse. Convient pour les salades.
Maris Bard : Variété « nouvelle ». Convient pour bouillir ou sauter.
Monalisa : variété créée aux Pays-Bas. Sa culture est aujourd'hui très répandue en France. Assez semblable à la bintje, mais avec une meilleure tenue à la cuisson.
Nadine : peau fine et chair ferme et non farineuse. Variété précoce. Convient pour la salade.
Nicola : peau crème, chair jaune et non farineuse. Convient pour bouillir ou la salade.
Patrone : peau crème, chair jaune et non farineuse. Convient pour bouillir, sauter, cuire au four, les salades mais pas pour la purée.
Pentland javelin : chair ferme et non farineuse. Convient pour les salades.
Picasso : peau fine, nombreux yeux rouges. Convient pour bouillir ou rôtir.
Pink eye : peau crème, yeux foncés, chair jaune et non farineuse. Convient pour bouillir, frire, pour la salade, mais pas pour la purée.
Pink fir apple : peau rose crème, chair non farineuse. Convient pour bouillir et cuire au four. Excellente en salade.
Pontiac : peau rouge, chair blanche et non farineuse. Très polyvalente, convient pour toutes les méthodes de cuisson, et pour la salade.
Purple congo : peau violet foncé, chair violette et farineuse. Convient pour frire ou bouillir.
Ratte : variété « précoce » à la forme oblongue et noueuse (elle doit son nom à sa forme, semblable à celle d'une souris). Chair ferme au délicieux goût de noisette. Convient pour la salade ou pour bouillir. La plus prestigieuse est celle du Touquet, mais la ratte semble originaire de la région lyonnaise. Seul inconvénient : elle est sensible aux maladies et peu productive, d'où son prix élevé. Elle est connue pour entrer dans la composition de la fameuse purée de Joël Robuchon.
Romano : peau rouge, chair ferme non farineuse. Convient pour rôtir ou frire.
Roseval : variété créée en Bretagne. Peau rouge, chair jaune parfois striée de rose. L'une des plus raffinées, très douce au goût, elle est en plus d'un excellent rendement, à peu près identique à celui de la Bintje. Convient à rôtir.
Russet burbank ou Idaho : peau brune, chair jaune. Convient pour frire ou rôtir.
Salad blue : chair teintée de bleu. Convient pour les salades.
Sebago : peau crème, chair blanche. Convient pour bouillir, cuire au four, frire et pour la purée.
Spunta : peau brune, chair jaune, mais qui tient mal. Convient pour rôtir, frire, cuire au four, la purée et les gratins.
Truffe de Chine ou négresse. Peau noire, chair violette et blanche, farineuse et parfumée. Doit être bouillie avec sa peau. Convient pour les salades.
Vitelotte. Peau et chair violettes. Sucrée avec un goût de châtaigne. Principalement cultivée en Picardie mais également à Villard-Reculas (Isère) qui cultive encore de nos jours cette variété ancienne et oubliée. Peut être accommodée en purée ou frites.