Le canal du Midi ou canal des Deux Mers est un canal français qui relie la Garonne à la mer Méditerranée. Il fournit avec le canal latéral à la Garonne une voie navigable de l'Atlantique à la mer Méditerranée. Il a été prolongé par le canal du Rhône à Sète. D'abord nommé canal royal en Languedoc, les révolutionnaires le rebaptisent en canal du Midi en 1789. Il a été considéré par ses contemporains comme étant le plus grand chantier du XVIIe siècle.
C'est le commerce du blé qui motiva sa construction. Construit au XVIIe siècle, de 1666 à 1681, sous le règne de Louis XIV et sous la supervision de Pierre-Paul Riquet, le canal du Midi est le plus ancien canal d'Europe encore en fonctionnement. La mise en œuvre de cet ouvrage est étroitement liée à la question de la navigation fluviale aux temps modernes. Le défi, relevé par Pierre-Paul Riquet, était d'acheminer l'eau de la Montagne Noire jusqu'au seuil de Naurouze le point le plus élevé du parcours.
Depuis 1996, il est classé dans la liste du patrimoine de l'humanité par l'UNESCO.
Localisation et profil du canal Le canal du Midi se situe dans le sud de la France à cheval sur les départements de l'Hérault, de l'Aude et de la Haute-Garonne. Il court sur 241 kilomètres entre Marseillan, au lieu dit Les Onglous où il débouche dans l'étang de Thau près de Sète, et Toulouse, au niveau du port de l'Embouchure (Ponts-Jumeaux).Il est constitué de deux versants, l'un côté Atlantique d'une longueur de 52 km et l'autre du côté Méditerranée d'une longueur de 189 km, dont le seuil de Naurouze est le point le plus haut.Sa profondeur moyenne est de 2 m avec des variations entre 1,8 m et 2 m. Le tirant d'eau autorisé est de 1,6 m. Sa largeur moyenne est de 20 m en surface avec des variations entre 16 m et 20 m. Enfin, la largeur est de 10 m au fond.Le bief le plus long est de 53,49 km entre l'écluse d'Argens (Aude) et celle de Fonsérannes (Hérault) tandis que le bief le plus court est de 250 m entre les deux écluses du Fresquel.
Le canal du Midi près de Toulouse
Histoire Le creusement de ce canal est une vieille chimère. De nombreux projets parfois utopiques ont été imaginés pour creuser un canal entre l'océan et la mer Méditerranée. Des dirigeants comme Néron, Auguste, Charlemagne, François Ier, Charles IX et Henri IV y avaient songé, car c'est un véritable enjeu politique et économique. En effet, la construction d'un tel ouvrage permet d'éviter aux bateaux et aux marchandises de prendre la mer et de contourner la péninsule ibérique. À cette époque, le transport maritime comporte de nombreux dangers comme le brigandage et les pirates en mer.Les projets les plus réalistes sont présentés au roi au XVIe siècle. Un premier projet est présenté par Nicolas Bachelier en 1539 aux états du Languedoc, puis un second en 1598 par Pierre Reneau, et enfin un troisième projet proposé par Bernard Aribal de Béziers en 1617. Mais, ils sont abandonnés car les projets n'étaient pas assez pensés au niveau de l'alimentation en eau du canal et proposaient un système de dérivation des eaux des rivières des Pyrénées trop complexe voire impossible à mettre en œuvre. En 1650, un autre ingénieur propose aussi de détourner l'eau de l'Ariège à Cintegabelle pour l'amener par un canal non navigable jusqu'à Pech-David près de Toulouse. Mais, là aussi, se pose la question de mener l'eau jusqu'au seuil de Naurouze plus haut que Toulouse.Les projets ne sont donc pas lancés par crainte de perdre trop d'argent et par conviction de l'impossibilité humaine de creuser un tel canal. Cependant, Pierre-Paul Riquet, un percepteur de la gabelle en Languedoc, propose un projet plus convaincant que les précédents. Lorsque le roi reçoit sa proposition, en 1662, il y voit l'opportunité de priver l'Espagne d'une partie de ses ressources, et l'occasion de marquer son règne d'une œuvre impérissable.
Les points forts du projet En 1660, Riquet trouve la solution du principal problème : l’arrivée d’eau au point de partage afin d'alimenter les deux versants du canal. Son idée consiste à récupérer l'eau qui coule dans la Montagne Noire. Sa connaissance importante de l'hydrographie de la Montagne Noire et du Sor lui permet d'imaginer un système d'irrigation ingénieux. Il s'inspire de l'ingénieur français Adam de Craponne qui avait mis en œuvre le même système d'alimentation pour le canal de Craponne.Pour cela, il projette de récupérer les eaux de la montagne dans des barrages-réservoirs puis de les acheminer vers le seuil de Naurouze grâce à des rigoles en traversant le seuil de Graissens. L'eau du Sor passant près de Revel est la principale alimentation envisagée par Pierre-Paul Riquet. Mais, d'autres rivières de la Montagne Noire font aussi partie de son système d'alimentation comme l'Alzeau, le Laudot, le Rieutort, la Bernassonne et le Lampy. En effet, la Montagne Noire est une région deux fois plus arrosée que la plaine du Lauragais avec 1 400 millimètres par an aux alentours de 500 à 600 m d'altitude. Pour stocker l'eau des rivières, il projette trois bassins : le réservoir du Lampy-Vieux, un bassin portuaire hexagonal à Naurouze et la retenue de Saint-Ferréol.En 1664, durant l'expertise du projet, les états du Languedoc demandent à Riquet de mettre en pratique son idée de façon expérimentale. Il fait alors construire une rigole d'essai déviant l'eau du Sor jusqu'au seuil de Naurouze. C'est la « rigole de la Plaine » qu'il termine en 1665 et prouve ainsi qu'il est possible d'amener de l'eau jusqu'au point le plus élevé du parcours du canal. C'est l'évènement qui rassure la commission d'experts que le roi avait quêté sur place pour inspecter les choix et les plans dressées par Riquet. À partir de ce moment, Louis XIV sait que la construction du canal est techniquement possible
Panneau indiquant l'écluse de l'Océan au seuil de Naurouze, là où le bief est le plus élevé avec 189 m d'altitude
La réalisation du canalLa première « entreprise » des travaux débute le 1er janvier 1667 avec la construction de la rigole de la plaine puis, se poursuit le 15 avril 1667 avec la pose de la première pierre du lac de Saint-Ferréol. À l'origine, Riquet voulait construire une dizaine de réservoirs mais un proche collaborateur, Louis Nicolas de Clerville, lui demande de les remplacer par un seul réservoir. Il s'agit là d'une grande nouveauté pour l'époque, aucun lac-réservoir de cette ampleur n'ayant jamais été réalisé auparavant. En novembre 1667, une cérémonie officielle pose la première pierre de l'écluse de la Garonne à Toulouse, et donc du canal, en présence des représentants du parlement de Toulouse, des capitouls et de l'archevêque de Toulouse. Une première mise en eau est réalisée entre le seuil de Naurouze et Toulouse durant l'hiver 1671-1672 et la première circulation de bateaux peut débuter. En 1673, le tronçon Naurouze-Trèbes est achevé, marquant la fin de la première « entreprise de travaux ».Dès 1671, débute la deuxième entreprise qui consiste à relier Trèbes à la mer Méditerranée et à construire le port de Sète (à l'époque appelé Cette). Cette partie du canal pose des problèmes au niveau de la jonction entre l'étang de Thau et Trèbes car le canal doit traverser le cours de l'Hérault et celui du Libron. Pour contourner le problème, l'ingénieur Riquet met en place un système de vannes et de caissons pour le Libron ainsi qu'une écluse ronde à trois portes pour l'étang de Thau et l'Hérault. L'écluse ronde d'Agde permet de passer un bief du canal du Midi mais aussi d'accéder à l'Hérault. Cette partie du canal pose aussi des problèmes au niveau du seuil d'Ensérune et de la descente vers Trèbes dans la vallée de l'Orb. Pour résoudre ce deuxième problème, il fait construire à Fonséranes une enfilade de huit sas d'écluses jusqu'à l'Orb. En 1681, les travaux du canal se terminent à Béziers. Cependant, en octobre 1680, Pierre-Paul Riquet meurt durant les travaux. Il ne verra donc pas la fin de son projet. C’est l'ingénieur du roi, La Feuille, qui prend le relais.En mai 1681, le canal est complètement inspecté sur ordre du roi afin de vérifier les travaux et la bonne étanchéité du canal. Il est alors officiellement ouvert à la navigation le 15 mai 1682. Lors de l'inauguration du canal à Toulouse, le 15 mai, l'intendant du roi et le président des États du Languedoc voyagent les premiers sur le canal, suivis de nombreuses autres barques transportant notamment du blé. Après ce voyage inaugural, le canal est remis à sec car les travaux ne sont pas terminés ; ils ne seront réellement qu'en décembre 1682. Le canal est ouvert au trafic en mai 1683 et l'arrêté de réception des travaux publié en mars 1685
Escalier d'écluses de Fonséranes, à Béziers (34)
L'inaugurationEn 1681, la première inspection a lieu « à sec ». Le Roi désigne une commission, composée d'Henri d'Aguessau, intendant du Languedoc, de M. de la Feuille, du Père Mourgues, jésuite et professeur de rhéthorique et de mathématiques à l'université de Toulouse, des deux fils et des deux gendres de Pierre-Paul Riquet, ainsi que de Messieurs Andréossy, Gilade et Contigny. Cette commission embarque à Béziers le 2 mai 1681 et remonte le canal vers Toulouse durant 6 jours. Le remplissage se fait au fur et à mesure de l'avancement des vérifications jusqu'à Castelnaudary (le tronçon Toulouse - Castelnaudary étant en eau depuis 1672).L'inauguration proprement dite a lieu juste après cette première inspection. Les mêmes personnalités réembarquent à Toulouse le 15 mai 1681 sur une barque amirale, suivie de dizaines d'autres embarcations. Le Cardinal de Bonzy, président-né des Etats du Languedoc et archevêque de Narbonne se joint au cortège, qui arrive à Castelnaudray le 17 mai. Une grande cérémonie religieuse a lieu le 18 mai à l'église de Saint-Roch, suivie d'une procession vers le canal, pour bénir l'ouvrage, le convoi et l'assemblée présente.Le convoi reprend sa navigation le 20 mai, avec des arrêts le 20 au soir à Villepinte, le 21 à Penautier, le 22 à Puicheric et le 23 à Roubia. Le 24 mai, c'est le passage dans le tunnel de Malpas, ainsi que le franchissement des écluses de Fonsérannes. Le Cardinal et les évêques descendent à Béziers le même jour.
Le fonctionnement et la vie du canalAutrefois, utilisé pour le transport de marchandises et de personnes, le canal du Midi est aujourd'hui essentiellement fréquenté par les plaisanciers et les touristes
L
a gestion du canal La gestion du canal est assurée dans un premier temps par les descendants de Riquet. C'est l'aîné Jean-Mathias qui prend le contrôle du fief jusqu'en 1714, puis Victor-Pierre-François jusqu'en 1760, puis Victor-Maurice et enfin Jean-Gabriel. La famille Riquet met très rapidement en place une organisation pyramidale avec un « Directeur Général du Canal » qui régit un ensemble de directeurs responsables d'une zone géographique du canal. Sept zones sont définies d'ouest en est : Toulouse, Naurouze, Castelnaudary, Trèbes, Somail, Béziers et Agde. Chaque directeur est responsable des travaux d'entretien de sa zone ; il est épaulé par un receveur et un contrôleur. Plusieurs centaines d'éclusiers ont la charge des écluses du parcours. Cette organisation facilite le contrôle et engendre des lignées d'employés.À Toulouse, un groupe de trois personnes forme un comité de direction : le directeur général des travaux, le receveur général qui fixe les taxes et le contrôleur général chargé de la comptabilité. La gestion du canal assure l'apport d'argent afin de payer les divers travaux et le personnel embauché pour le canal. Dans les années 1770, les taxes rapportent un produit annuel de 640 000 livres, consacré pour moitié à l'entretien et aux salaires, et pour moitié aux bénéfices et aux fonds pour des travaux exceptionnels. En 1785, ce bénéfice augmente jusqu'à 950 000 livres, ce qui était une somme très importante pour l'époque
L'entretien du canal L'entretien du canal constitue un vrai problème pour les descendants de Riquet. Malgré les nombreuses précautions, le canal s'ensable et s'envase avec les alluvions provenant de l'eau d'alimentation. De plus, il se comble avec les branchages et les feuilles des arbres. Chaque été, une période de chômage permet de nettoyer le canal. Il faut recreuser le lit du canal tous les ans pendant deux mois. Ces travaux coûtent cher et deux mois ne suffisent pas toujours. Un autre problème est l'envahissement du canal par des herbes au niveau des retenues et des épanchoirs. Aucune méthode ne permet d'éradiquer ce fléau. En 1820, le dragage est mis en place pour arracher les herbes et remonter la couche de vase.Enfin, la pluie, le gel et la sécheresse obligent les gestionnaires à avoir un œil sur tout le parcours du canal afin de réparer les fuites et brèches qui pourraient s'ouvrir. Aujourd'hui encore, le canal est soumis aux mêmes contraintes et les gestionnaires doivent assurer les mêmes travaux. Ils sont désormais mécanisés. Environ 350 employés sont mis à disposition du gestionnaire Voies navigables de France par le ministère de l'équipement afin d'assurer l'entretien
Aujourd'hui, l'entretien du canal se fait grâce aux péniches des Voies navigables de France