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 le vase de Soissons

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jacotte
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MessageSujet: le vase de Soissons   le vase de Soissons EmptySam 25 Aoû - 2:31:14

Un vase de grand prix volé dans une église, la mauvaise volonté d'un soldat qui refuse que Clovis le rende à l'évêque dépossédé, la vengeance quelque peu théâtrale qu'en tire le roi...
Il n'y a sans doute pas d'anecdote franque plus célèbre que celle du vase de Soissons et les manuels scolaires de la Troisième République, catholiques aussi bien que laïques, l'ont illustrée à foison.
Petite histoire exemplaire, accessible à tout âge, facile à mettre en image, elle avait l'avantage d'introduire aussi bien au respect dû à l'autorité qu'au respect dû à l'Église, à la discipline exigible du soldat qu'à la justice exigible du souverain. Inépuisable, elle propose aujourd'hui de nombreuses pistes de réflexion à l'historien des temps mérovingiens.

L'histoire du vase selon Grégoire de Tours

L'anecdote semi-légendaire du vase de Soissons nous est contée par Grégoire de Tours au chapitre II, 27 de l' Histoire des Francs.
Il la situe vers l'an 486, au cours de la guerre livrée par Clovis Ier, roi des Francs saliens au romain Syagrius et peu de temps après la prise de Soissons sa capitale. « En ce temps-là, écrit Grégoire, beaucoup d'églises furent pillées par l'armée de Clovis parce qu'il était encore enfoncé dans les erreurs du fanatisme » (quia erat ille adhuc fanaticis erroribus involutus).

C'est ainsi que les soldats enlevèrent d'une église, avec d'autres ornements liturgiques, un vase d'une taille et d'une beauté extraordinaires .
L'évêque du lieu envoya un émissaire à Clovis pour lui demander qu'à défaut des autres prises il lui restituât au moins cet objet précieux.
Le roi invita l'homme à le suivre jusqu'à Soissons où devait avoir lieu le partage du butin en l'assurant que dès que le vase lui serait échu, il donnerait satisfaction à l'évêque (papa).

C'est donc à Soissons, la ville qui vient d'être prise et dont Clovis paraît déjà avoir fait sinon sa capitale du moins son camp principal, que se joue la scène centrale. L'armée est rassemblée autour du butin amoncelé.
Le roi demande aux « très valeureux guerriers » de lui céder le vase en plus de sa part.
Les hommes de bon sens (illi quorum erat mens sanior) lui répondent : « Tout ce que nous voyons ici est à toi, glorieux roi, et nous sommes nous-mêmes soumis à ton autorité (nos ipsi tuo sumus dominio subjugati).
Agis maintenant comme il te plaira, personne ne peut te résister. »
Mais, tout le monde ayant parlé, un soldat - homme léger, envieux et impulsif (levis, invidus ac facilis) - à la stupéfaction générale, frappe le vase de sa hache en s'écriant : « Tu ne recevras que ce que le sort t'attribuera vraiment !»

Le roi avala l'affront, nous dit Grégoire, mais « garda sa blessure cachée dans son cœur ».
L'évêque récupéra quand même son vase, brisé ou cabossé. Sans doute - nos sources ne le précisent pas - Clovis a-t-il dû le payer en troquant une part de son lot.

Au bout de l'année, ayant convoqué à nouveau l'armée au Champ de Mars, Clovis, passant ses guerriers en revue, reconnut le soldat insolent.
Constatant que sa tenue et ses armes laissaient à désirer, il les lui prit et les jeta à terre.
Le soldat se baissa pour les ramasser et Clovis en profita pour lui briser le crâne d'un coup de hache, disant :

« Ainsi as-tu fait au vase de Soissons ! »


Histoire et exemplarité

n'a certainement pas inventé l'anecdote du vase, elle devait circuler dans les milieux ecclésiastiques de son temps. Mais il lui applique ses procédés de stylisation habituels pour en faire une histoire édifiante. Godefroid Kurth ne s'y est pas trompé : « Il n'y manque que l'élément merveilleux pour le classer dans la catégorie des histoires en l'honneur des saints ».
Mais l'historien belge, ne reconnaissant dans ce récit aucun des critères qui lui semblaient signer une origine populaire, était prêt à croire à son historicité ; il suggérait même que la source originale pourrait être la Vita perdue de saint Rémi que Grégoire affirme par ailleurs avoir eu sous les yeux et que le récit pourrait ainsi remonter à un témoin proche et peut-être oculaire de l'évènement
K. F. Werner souligne, quant à lui, l' « analogie curieuse des deux actes » -
le coup de hache qui brise le vase et le coup de hache qui fracasse la tête du soldat – procédé littéraire qui plaiderait « pour une histoire inventée »
Louis Halphen, dans un article qui fut longtemps un classique, avait déjà remarqué que le châtiment du soldat, intervenant un an après le crime, pouvait être rapproché d'un thème hagiographique qui se rencontre ailleurs dans Grégoire : dans les Miracles de saint Julien, un comte qui a extorqué aux prêtres de Brioude trente pièces d'or pour rançon d'un de leurs serviteurs injustement emprisonné, meurt subitement au bout de l'an ; ailleurs, un voleur qui a emporté les vitres précieuses de l'église d'Yzeures-sur-Creuse, meurt misérablement, lui aussi au bout d'une année.
Comme le soldat de Clovis, ces détenteurs injustes de biens d'église paraissent d'abord pouvoir jouir du bien mal acquis, avant de succomber à la vengeance d'un saint lésé lorsqu'arrive l'anniversaire de leur méfait.
Tout se passe comme si Clovis, tout laïc païen qu'il soit, prenait modèle sur ces vengeances célestes ou se faisait leur instrument.
« Moralité, concluait Godefroy Kurth, que les barbares y regardent à deux fois avant de s'opposer à ce que justice soit rendue à un évêque et à son église ».

Dans l'Histoire des Francs, l'anecdote du vase apparaît à sa place chronologique, elle vient aussi, pourrait-on dire, à sa place idéologique.
Si l'on suit le plan hagiographique de la Vie de Clovis tel que le propose Martin Heinzelmann, celle-ci s'ouvre par une annonce messianique de sa naissance, puis se succèdent les faits saillants de sa vie païenne : la victoire sur Syagrius « qui n'eut pas peur de résister », l'épisode du vase qui nous occupe, le mariage avec Clotilde, les doutes qui assaillent le roi à la mort du petit Ingomer.
Chacune de ces étapes met en évidence la progression du roi vers le salut et le révèle , par touches successives, comme un instrument de Dieu.

Au stade du vase, la stylisation de Grégoire semble viser un double but : opposer vigoureusement le Clovis païen qui pille les églises au Clovis converti qui interdit à ses troupes de rien prendre de ce qui leur appartient, ne serait-ce que du fourrage pour les chevaux.
Mais en même temps, ce Clovis encore plongé dans le « fanatisme » se distingue dejà de ses guerriers par son respect des clercs : c'est un signe avant-coureur certain de sa conversion.
C'est ainsi que, selon Franck Collard, l'histoire était déjà comprise à la fin du Moyen Âge dans la tradition historiographique de Saint-Denis.

le vase de Soissons Levase10
le vase de soissons par Guy Lartigue


Le Vase de Soissons et l'évêque Rémi

Rien dans le texte de Grégoire ne permet d'identifier l'église et l'évêque en question.
Tout au plus le contexte de la guerre contre Syagrius et le fait que le butin est partagé à Soissons les situent-ils avec toute vraisemblance dans l'ancien « domaine gallo-romain », au nord de la Seine.
Mais au siècle suivant, le pseudo-Frédégaire insère l'histoire dans sa chronique ; elle a d'évidence sa source dans Grégoire, mais l'auteur y introduit une altération importante, l'évêque n'envoie plus un messager mais vient lui-même supplier Clovis de lui rendre le vase – et surtout cet évêque a désormais un nom : c'est Rémi, évêque de Reims, celui-là même qui a salué Clovis lors de sa prise de pouvoir et qui, dix ou douze ans plus tard, l'a baptisé dans sa cathédrale.

Bien que le Liber Historiae imite le silence de Grégoire, la tradition a fait son chemin et s'est si bien ancrée qu'aujourd'hui encore l'historiographie l'accueille couramment.

Nous avons conservé le testament de saint Rémi. L'évêque y lègue « un vase d'argent de dix-huit livres » à l'église de Laon après avoir l'avoir refondu pour en faire « des patènes et des calices ».
Puis il poursuit : « Quant à l'autre vase d'argent qu'a daigné me donner le seigneur roi Clovis d'illustre mémoire que j'ai reçu dans la fontaine sacrée du baptême pour que j'en fasse ce que je voulais, toi, mon héritière l'église susdite, j'ordonne qu'on en fabrique un encensoir et un calice gravé de représentations, ce que j'en aurais fait d'ailleurs si j'en avais eu le temps durant ma vie... »
Son neveu Loup, lui aussi évêque nous ne savons d'où, est chargé de l'exécution de ce voeu.

N'était-il pas tentant de reconnaître - malgré bien des difficultés - notre « Vase de Soissons » dans ce précieux don de Clovis ?
Un historien contemporain, Michel Rouche, a franchi le pas et y voit, du même coup, un argument fort pour l'authenticité du récit historique du récit de Grégoire...

Un vase cassé ou un vase cabossé ?

L'histoire du vase de Soissons a un autre intérêt : elle constitue un document rare, bien que fort stylisé, sur la vie militaire des armées franques et, à ce titre, elle a récemment retenu l'attention des historiens les plus « romanistes » de l'époque franque.

Sous l'Empire, les militaires touchaient régulièrement une solde et une part de butin que leurs chefs leur redistribuaient selon leur grade, leur ancienneté ou d'autres critères.
Dans les armées du Bas-Empire qui n'existaient plus que par leurs corps d'auxiliaires barbares, les règles ont sûrement dû s'adapter et, dans bien des cas, se négocier.
En fin de compte, le code Théodosien contient une loi de Valentinien, datant de l'an 440, qui concerne apparemment des « soldats » fédérés « qui doivent garder notre province et leurs propres biens » et dans laquelle l'empereur décrète : « Quelque soit ce qu'un vainqueur prend à l'ennemi, il lui appartient de plein droit ».
Ce texte qui « privatise » le pillage et couvre d'un pudique manteau juridique un désordre qu'on ne pouvait plus empêcher a sûrement été connue des soldats intéressés (ces « barrack's room lawyers », comme dit Bachrach) et tout aussi sûrement peu appréciée des derniers généraux romains... Clovis – qui est de ceux-ci – aurait par son autorité, maintenu dans son armée un usage létique de « collectivisation » de l'ensemble du butin et de son partage intégral par les sortes.
Les Wisigoths connaissaient apparemment un usage identique qui autorisait le roi a prélever lors du partage un septième du tout...

On peut dès lors aller plus loin et admettre, par hypothèse, que le soldat de l'histoire est celui qui a personnellement trouvé et emporté le vase et qu'il s'oppose, au nom de l'occupatio bellica, aux règles édictées par son général.
On comprendrait alors mieux les jugements de valeur de Grégoire que son sens chrétien et sa conscience de classe sénatoriale hérissent contre tout désordre, fût-il établi : la masse des soldats, décrite comme mens sanior, adhère aux règles d'usage établies par Clovis, par discipline et par un respect tout romain de son dominium, et le « barrack's room lawyer » - qui n'est peut-être pas un lète – bien qu'il puisse en appeler à la constitution impériale pour faire valoir son droit, est condamné sans appel pour sa levitas et son invidia


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