À 72 et 74 ans,Jeanine et Jean Macetti font chaque mois 700 km pour rendre visite à leur fille polyhandicapée,placée depuis 37 ans dans un centre des Hautes-Pyrénées,faute de place en Gironde.
«Nous essayons une fois de plus de ramener notre fille près de nous. Les photos sont un retour dans un passé difficile qui a bouleversé leur vie de couple.Elle est polyhandicapée.
Elle est placée à la MAS (Maison d'accueil spécialisée)de Montastruc (Hautes-Pyrénées) depuis juillet 1978.
Elle a 47 ans et toutes les cinq semaines nous devons faire 700 km en voiture pour la voir,car il n'y a pas de place en Gironde. »
C'est après avoir adressé de multiples lettres mortes à Marisol Touraine,ministre des Affaires sociales,de la santé et des droits des femmes,les députées Michèle Delaunay et Pascal Got,que Jean et Jeanine Macetti,parents de Valérie,leur fille polyhandicapée,ont décidé de s'adresser à notre journal.
« Cela fait 37 ans qu'elle est dans les Hautes-Pyrénées.
Nous aimerons enfin pouvoir la rapprocher de nous,raconte Jeanine,à la voix posée malgré la ‘‘colère''.
Nous venons vers vous en désespoir de cause.
Nous avons fait des demandes partout.
Cela fait 4 ans qu'on essaye mais elle est sur liste d'attente… »
On vieillit !
Il y a cette angoisse de se dire qu'un jour,on ne pourra plus aller la voir.« Mon mari a eu un cancer des poumons,moi,j'ai été opérée du dos quatre fois,ajoute-t-elle.
On vieillit !
Si un jour on ne peut plus y aller ? Elle est habituée à nous voir.
Il y a cette angoisse de se dire qu'un jour,on ne pourra plus aller la voir.
Si cela arrive,elle va se replier sur elle-même… »
Le regard plongé dans les photos souvenir,ils s'interrogent sur un improbable retour de leur « gamine » dans le cocon.
« Non,ce n'est pas possible,rétorque Jean.
On ne peut pas s'occuper d'elle à notre âge.
Et puis elle a deux éducatrices constantes qui s'occupent d'elles et la stimulent.
Elle va à la piscine,chez le kiné… »
Valérie aura 47 ans dans peu de temps.
Une vie bouleverséeLes enfants ou adultes polyhandicapés sont des personnes « souffrant d'un handicap grave à expressions multiples associant une déficience motrice et une déficience intellectuelle sévère,entraînant une restriction extrême de l'autonomie et des possibilités de perception,d'expression et de relation et qui nécessitent une surveillance médicale et des soins constants ».
Il est très difficile voire presque impossible pour des parents de s'occuper de leur enfant eux-mêmes.
Il y a 37 ans,les Macetti se sont donc résolus à la placer dans une MAS,loin de chez eux,faute de place en Gironde.
La maladie,son acceptation et sa gestion sont une véritable épreuve.
Le couple de l'ancienne ouvrière des chais et de cet employé de l'aérospatiale,toujours uni aujourd'hui,a failli en faire les frais.
« On est passés près du divorce,se remémore Jean.
Heureusement qu'elle était bien entourée,ça nous a permis de souffler… »
« C'est très dur quand vous apprenez que votre enfant est malade.
Les premiers dimanches où nous devions la quitter,elle n'arrêtait pas de pleurer…
Il ne fallait pas venir me chauffer les oreilles au travail le lendemain »,se souvient Jeanine,le rire franc,mais l'amertume bien palpable.
Laisser son enfant loin du foyer,l'aider,s'en rapprocher,un tas de questions les a assaillis et les a mis à rude épreuve.
« Quand on était jeunes,ce n'était pas un problème de faire la route,on pétait le feu.
On voyait qu'elle était heureuse là-bas,elle faisait des progrès.
On l'a placée pour qu'elle ait une chance,mais on n'avait pas prévu la vieillesse.
Et puis on ne savait pas si elle serait encore en vie aujourd'hui.
Avec les progrès de la médecine,certains sont retraités dans ces centres.
Ils (les éducateurs et spécialistes) font un travail formidable ! »
Avant de glisser : « On a envisagé de la rejoindre là-bas,c'était il y a deux ans.
On a voulu mettre la maison en vente quand on a vu qu'on ne trouvait pas de place en Gironde.
Mais on ne l'a pas fait.
Quand on est jeunes,ça va.
Mais se couper de ses racines à notre âge…
C'est compliqué de se refaire un cercle d'amis,de connaissances. »
« On n'est pas les seuls »Après près de quatre décennies d'éloignement contraint et forcé,le couple Macetti veut « sensibiliser les pouvoirs publics ».
« Il n'est peut-être pas possible de créer d'autres centres,mais on pourrait faire en sorte d'avoir plus de places dans ceux qui existent s'exclame Jeanine.
On a de l'argent dépensé bêtement pour plein de choses mais pas pour ça ? » « On n'est pas les seuls dans cette situation,il y en a beaucoup qui doivent aussi garder leur enfant (handicapé) à la maison.
On n'est pas prioritaires,car elle a une place dans un centre.
Il y a des gens qui sont sans solution… »,peste Jean.
On n'est pas prioritaires,car elle a une place dans un centre.Désormais grands-parents et arrière-grands-parents,les deux septuagénaires vont,comme ils le font toutes les cinq semaines depuis 1978,rendre visite à Valérie entre vendredi et mardi prochain.
Grâce à un forfait journalier raisonnable de 8 euros,ils peuvent vivre auprès d'elle dans des studios situés à quelques mètres de l'établissement.
Une bouffée d'oxygène avant la déchirure du départ.
Dix MAS en GrondeUne Maison d’accueil spécialisée est un établissement médico-social destiné à accueillir des personnes dites polyhandicapées,qui nécessitent une surveillance médicale et des soins constants.
Son financement est apporté par la Sécurité Sociale mais une partie des frais (hébergement,entretien) est à la charge de la famille via un forfait journalier.
Il en existe 10 en Gironde (Biganos,Bordeaux,Grignols,Lanton,Mérignac,La Réole,Saint-Denis-de-Pile,Saint-Médard-en-Jalles,Tresses et Villenave d’Ornon).
Les listes d’attente dans un centre atteignent souvent le millier de dossiers.
sud ouest