J'ai, moi aussi, dans ma mémoire, cet accident tragique gravé à vie, puisque j'étais à l'époque l'un des principal acteur dans le domaine des secours de ce drame du 31 juillet 82. J'étais gendarme au peloton d'autoroute de BEAUNE, le premier sur les lieux du drame et de service en patrouille se soir là. J'ai vécu mon pire cauchemar que je n'aurais jamais voulu connaître, la mort en direct d'enfant qui brûlaient sous mes yeux... Je rentrais de service vers 01h avec mes deux GA d'une patrouille déjà bien "laborieuse" car l'autoroute à cette date était bondée de touristes qui quittaient le nord de la France pour je ne sais où dans le sud. Occupé à faire le plein de carburant au poste Gie, Serge, le planton de nuit m'averti aussitôt d'1 accident au niveau de l'étang de MERCEUIL, sur l'A6, sens PARIS/LYON. Je repars en urgence avec mon équipage pour le sud et déjà un mauvais présage car à peine sorti de la bretelle que des véhicules étaient en stationnement sur les deux voies. Je me souviens avoir laissé mes deux rétroviseurs de la 504 sur des voitures qui ne voulaient pas s'écarter alors que le deux tons hurlait le libre passage. J'arrive sur les lieux dans une épaisse fumée noire qui envahissait tout l'Autoroute. Mon véhicule est en travers des voies, la première de la file à environ 20 m en retrait des brasiers. Je distingue maintenant après un rapide tour d'horizon qu'il s'agit en vérité d'un bus puis de deux avec un vl 2cv surélevée et encastrée entre les deux bus. Je demande aux "curieux" de quitter les lieux car cela peut exploser et je repousse par le fait un photographe qui s’avérera être celui de Paris/Match partant en vacances et qui publiera ces photos chocs du drame. Le pire pour moi n'est pas terminé car en passant sur le côté, promenant ma lampe torche dans ce qu'il reste des fenêtres, j'entends des enfants, encore à l'intérieur, crier et pleurer d'affolement alors que je ne peux malheureusement, rien faire pour les aider. Certains s'échappent par la porte arrière, je les réceptionne pour les regrouper en sécurité derrière les glissières. J'active les secours en renseignant mon planton qui doit faire de son mieux également mais les minutes sont longues, trop longues pour que les secours pompiers et agents de la SAPRR viennent à moi. Durant ce temps, j'assiste au drame, les vitres des bus, fondent sous la chaleur intense qui règne de même que les verrouillages des vitres tout comme les pneus qui commencent à cuire. L'odeur de cet incendie est insoutenable sachant ce qui s'y passe à l'intérieur... Les pompiers arrivent enfin avec l'ensemble des secours. Les heures défilent mais pas une minute est à nous. Les premières constatations sont catastrophiques au niveau perte humaine ... Les secours se mettent en place doucement mais sûrement. L'autoroute coupée par les véhicules amassés au niveau de l'accident font demi tour pour regagner le péage en contresens "sécurisé". Le plus tragique et qui m'a marqué encore se soir là se sont tous ces enfants descendus en hâte des véhicules en feu et qui ont été rapatriés par bus sur CHALON et autres pour passer le reste de la nuit loin du drame. J'ose imaginer la peur qu'ils ont dû subir encore une fois en prenant ce moyen de transport... Le jour a daigné se lever avec la fatigue de cette nuit tragique et nous montrer l'horreur qui y régnait. Vers 07 heures dans ces décombres encore fumante, nous avons dû prendre possession de l'intérieur du bus, enfin ce qui'il en restait. En effet, le couloir central avait fondu, tout comme le reste d'ailleurs, sans commentaire. Je n'en dirais pas plus car je garde le reste au plus profond de mon subconscient. Les photos prisent par le photographe de Paris/Match en disent long sur ce qui s'est passé à l'enlèvement des corps du bus. Ce 31 juillet au soir, j'ai pris mon poste à 20 h pour partir en patrouille à 21h jusqu'à 01h . L'accident ayant eu lieu vers cette heure, j'y suis resté jusqu'à environ 10h le matin et enfin quitter les lieux pour partir me reposer à mon domicile. A 13h reprenait le travail pour occuper le poste de planton jusqu'à 20h. L'après midi a été tout aussi intense puisqu'il a fallu appeler différentes autorités, téléphoner, écrire les comptes rendus et gérer les trois autoroutes A6/A36 et 39 qui aboutissent au planton de la Gie de BEAUNE.
A 20 h mon travail concernant l'accident n'était pour autant pas encore terminé puisqu'originaire du JURA le commandement m'a demandé de convoyer les véhicules funéraires de BEAUNE 21 à TAVAUX 39 où un avion militaire en attente sur l'aéroport devait transporter les corps des enfants et accompagnatrices sur la région parisienne. Cette journée s'est terminée encore très tard mais je pense toujours et ce malgré toutes ces années passées à ces enfants, que j'entends crier, pleurer. Je vous avoue sincèrement que je revis souvent cet évènement tragique que rien ne pourra 'effacer. Je n'ai jamais pu avoir de soutien psychologique car cela n'existait pas à l'époque et quand j'en demandais un, je m'entendais dire que cela passera bien un jour... Je suis allé très souvent me recueillir au mémorial érigé à MERCEUIL 21 pour ces enfants de CREPY en VALLOIS, partis pour des vacances qui s'apprêtaient être de joie avec copains, frères et soeurs. Je aussi une pensée pour ces parents qui ont perdu leur chaire dans ce drame absurde de la route.