Combien de fois est-elle passée sous les fenêtres de Midi Libre...
Combien de fois a-t-elle pensé entrer et appeler au secours… « Mais je n’ai jamais eu le courage de le faire. Par pudeur, parce que c’est difficile de déballer sa vie et celle de sa petite famille… »
Cette fois-ci, Priscilla a osé.
« Pour Lucas, et seulement pour lui. Pour qu’il puisse finir sa vie dans des conditions décentes. »
Lucas, c’est son fils.
Un petit bonhomme de 5 ans et demi, victime d’une maladie dégénérative appelée syndrome Cornelia de Lange, qui touche un enfant sur 20 000. Lucas ne mange pas, ne parle pas, ne marche pas.
Assisté en permanence par un bataillon d’appareils destinés à le maintenir en vie.
Depuis la naissance de leur premier enfant, Priscilla et son époux ont fait du combat leur credo.
« Avant l’accouchement, rien ne laissait présager cette maladie. Lorsque nous l’avons appris, trois jours après la naissance de Lucas, le ciel nous est littéralement tombé sur la tête. »
Et le sol de se dérober sous leurs pieds et les couloirs d’hôpitaux de s’inviter dans leur quotidien… Interminables.
« On ne compte même plus les hospitalisations ni les interventions chirurgicales, les anesthésies, les fibroscopies, les oesophagostomies… »
De Lapeyronnie à Arnaud- de-Villeneuve, à Montpellier, en passant par Necker, à Paris, ou l’Institut Saint-Pierre, à Palavas, Priscilla et son mari ont tout tenté.
Aujourd’hui, Lucas peut mourir du jour au lendemain.
Un staff s’est réuni le 13 juillet dernier, concluant « qu’en cas d’aggravation de la situation, il sera adopté l’attitude suivante : pas de prise en charge chirurgicale ni de réanimation cardio respiratoire. »
« En clair, ils nous ont dit qu’il était condamné », marmonne Priscilla, sans baisser les bras pour autant. Déterminée, révoltée, armée d’un redoutable courage, la jeune maman, enceinte d’une petite fille, mène, en effet, un second combat en parallèle. Celui de trouver un appartement digne, salubre et suffisamment confortable pour pouvoir aménager "la dernière chambre" de Lucas.
« Je ne demande pas la lune, encore moins le luxe. Juste un logement correct et adapté, qui nous permettrait d’aborder cette phase douloureuse en paix… »
Au 5e étage d’un immeuble situé à proximité de la Cité Gély, Priscilla s’évertue à ne pas craquer.
Fauteuil roulant volé au pied de l’escalier, ascenseur régulièrement en panne, trafic de drogue sous les fenêtres, actes de vandalisme, humidité sur les murs, tapage nocturne…
Bien loin de se contenter d’observer et de se plaindre, Priscilla a entamé une impressionnante série de démarches.
Lettres au maire, à ACM, à FDI Habitat, entretiens divers et variés avec des assistantes sociales, sit-in dans le bureau du préfet, lettre à Nicolas Sarkozy.
Rien n’y a fait. « Bien sûr, il y a pire que nous. J’essaie de relativiser, mais quand même… Comment m’explique-t-on que des couples sans enfants qui travaillent chacun de leur côté obtiennent des logements sociaux ? Mon époux travaille mais moi, je ne peux pas. Je dois veiller sur Lucas au cas où il lui arriverait quelque chose. »
Cinq ans de démarches dans l’espoir d’un mieux vivre.
En vain. Et, aujourd’hui, l’urgence.
Celle des jours comptés, des heures d’une famille sous respiration artificielle. Sur la table du salon, une énième attestation médicale du pneumatologue.
« La sévérité de la pathologie de Lucas impose une optimisation des conditions de logement. »
Sur l’étagère, un dossier lourd de dizaines de missives.
Priscilla se tourne vers Lucas, avant de le ramener à l’Institut Saint-Pierre pour la nuit. Avant septembre, où il ne pourra plus être pris en charge, vu son état.
« Si vous saviez à quel point il adore les couleurs et la musique... »