"Main Street USA", hamburgers et hôtel Hollywood: Hong Kong est un autre Disneyland typiquement américain. Mais pour ne pas heurter les moeurs locales, il a dû adopter les incontournables chinoiseries: la fontaine pour draîner "l'énergie vitale", la soupe aux nouilles et les toilettes "à la turque".
"Nous avons été trop dogmatiques, trop américains" : reconnaissait en 1993 le pdg de Walt Disney, Michael Eisner.
C'était un an après l'ouverture d'Euro Disney, devenu depuis Disneyland Paris.
Le premier parc européen avait osé interdire bière et vin, suscitant une levée de boucliers contre "l'invasion américaine".
"C'était une vraie bourde", avait admis M. Eisner, permettant finalement de lever le coude dans son "Royaume magique".
La leçon a été retenue et, à Hong Kong, Mickey n'a pas lésiné sur les moyens d'éviter les "bourdes", d'autant plus que Paris est toujours dans le rouge après treize ans de service.
"Nous avons beaucoup appris", a reconnu Jay Rasulo, président des centres et parcs Disney.
"Nous avons essayé de nous adapter davantage à la tradition et à la culture des populations", ajoute-t-il.
Avant de lancer la construction, Disney a ainsi consulté un maître du feng shui, art de vivre issu de la cosmogonie chinoise censé permettre l'harmonie grâce à un arrangement de l'environnement.
L'expert a prédit que Disneyland connaîtrait des difficultés financières après 2023 s'il ne construisait pas une source dans le sud-ouest du parc.
Il a également recommandé l'érection de murs derrière les caisses pour éviter que l'argent "s'échappe" et corrigé le tracé des allées pour assurer une bonne circulation du "chi" (énergie vitale).
Le feng shui a décidé jusqu'à la date d'ouverture (le 12 septembre) et le nombre d'étages dans les hôtels : pas de deuxième, deux étant synonyme de maladie, ni de cinquième, qui porte malchance.
Ils n'y aura pas non plus de quatrième étage, car le chiffre "quatre" sonne comme "mort" en cantonais.
En revanche, la salle de bal de l'hôtel Disneyland fera 888 m2, le "8" étant synonyme de bonheur.
Dans la même veine, les chapeaux verts traditionnellement vendus dans les parcs Disney n'auront pas cours à Hong Kong car ils sont comme les cornes de cocus pour les Occidentaux.
Le nombre d'horloges sera réduit au maximum -- on ne les offre que lors des funérailles -- et sept des huit restaurants du parc serviront de la cuisine chinoise et asiatique.
Un seul offre des hamburgers.
Le parc s'attend à ce qu'un tiers de ses cinq millions de visiteurs attendus la première année viennent de Chine continentale, un autre tiers de locaux et un peu moins du reste d'autres pays de la région, ce qui ne laisse que la portion congrue aux non-Asiatiques.
Dans son souci zélé d'adaptation, la société américaine est allée jusqu'à accoler, aux côtés des toilettes "American Standard", des sites d'aisance "à la turque" qui, malgré leur nom, sont considérés par beaucoup de Chinois comme les seuls à même de recevoir leur séant.
Mais le "monde magique" s'est parfois retrouvé sur le fil du rasoir, entre Orient et Occident. Comme dans les restaurants dignes de ce nom en Chine, Disney voulait offrir de la soupe d'ailerons de requins mais, face à la colère des défenseurs d'animaux, elle a dû la retirer de ses menus.
Les visiteurs chinois seront également frustrés d'une autre de leurs habitudes: cracher restera interdit à Disneyland.